Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, effectuera sa première visite à Alger les 2 et 3 avril prochain. Cette virée, annoncée hier en même temps par le département d'Etat américain et par le ministère algérien des Affaires étrangères, entre dans le cadre d'une tournée de cinq jours, devant mener le responsable américain d'abord dans la capitale européenne Bruxelles, puis à Alger et enfin à Rabat. Si le choix de la date de la tournée de Kerry est un détail peu important au Maroc et en Belgique, en Algerie la période choisie donne le ton à la visite, voire peut orienter son sens. John Kerry arrive en pleine campagne électorale, où le président sortant est candidat à sa propre succession. Un détail ou un positionnement ? Seul le discours du secrétaire d'Etat et le choix de ses interlocuteurs pourront donner la réelle mesure à ce qui pourrait être considéré comme une entorse à l'usage diplomatique. Dans le communiqué du département d'Etat, il est mentionné que John Kerry «rencontrera de hauts responsables algériens et coprésidera avec son homologue, Ramtane Lamamra, le Dialogue stratégique lancé en 2012 afin de témoigner de l'étroite coordination entre les deux pays». Le même communiqué précise en outre que de nombreuses questions bilatérales et régionales seront abordées, y compris «les développements politiques et de sécurité, le développement des liens économiques, ainsi que le renforcement de la société civile». L'évolution de la situation politique sera donc au menu des entretiens de Kerry avec ses interlocuteurs algériens, et il reste juste à savoir s'il ira jusqu'à rencontrer l'opposition. «Alger a dû tout faire pour que cette visite se produise en ce moment. On peut interpréter aussi l'aval américain pour cette visite comme un signe de l'intérêt des Etats-Unis à ce qui se passe en Algérie, et je n'exclus pas que John Kerry demande à rencontrer l'opposition. Il vient dans une conjoncture pas anodine, il peut appeler à écouter tout le monde. S'il ne le fait pas, l'usage veut qu'il peut insister dans son discours sur la nécessité de transparence des élections et le respect de la liberté d'expression et d'association», estime l'ancien diplomate Abdelaziz Rahabi, qui n'exclut pas que cette visite pourrait être utilisée par Bouteflika comme un signal à l'adresse de l'armée pour invoquer le soutien américain à sa candidature. Mais cette lecture ne peut être valable, dit-il, que si l'appui de Bouteflika aux Etats-Unis pouvait réellement avoir un poids. «Ce n'est pas le cas, on ne demande rien à l'Algérie», affirme l'ancien diplomate en notant que l'Algérie ne peut ni influer sur la situation au Moyen-Orient, ni en Afrique, ni dans le monde arabe. «En sept ans, l'Algérie a reçu différents secrétaires d'Etat américains et pas une seule fois le président palestinien. Nous avons perdu notre rôle de médiateur et j'ai le sentiment qu'on est en train de faire jouer le rôle du Pakistan dans la région à l'Algérie», indique M. Rahabi, en invitant à ne pas perdre de vue le caractère régional de la visite, la question du Sahara occidental et le rôle de médiateur américain dans les relations entre l'Algérie et le Maroc. Le déplacement de Kerry intervient, en effet, avant les débats sur le Sahara occidental au Conseil de sécurité de l'ONU devant évoquer la question de la reconduction du mandat de la Minurso. Pour rappel, John Kerry devait effectuer sa première visite à Alger vers la fin de l'année 2013, mais elle a été reportée pour répondre à l'urgence «de se rendre à Genève dans le cadre des négociations sur le programme nucléaire iranien», disait un communiqué de la diplomatie algérienne. Des observateurs justifiaient par contre ce report par la volonté américaine de ne pas se risquer à une visite dans un Alger soumis à une guerre de succession avant que le candidat du système ne soit connu. Aujourd'hui, et à quelques jours du scrutin présidentiel, quel message viendra délivrer Kerry ? A noter que le dossier ukrainien figurera à l'ordre du jour du secrétaire d'Etat à Bruxelles.