Alors qu'il a déjà bien du mal à «vendre» une présidentielle problématique qui porte le quatrième mandat comme un péché originel, le pouvoir vient d'être vertement rappelé à l'ordre par l'Union européenne. Le dernier rapport de Bruxelles sur l'Algérie, ses réformes politiques, son traitement des droits de l'homme et des libertés ainsi que la transparence de ses élections s'apparente à un réquisitoire en règle. Le pouvoir aurait évidemment aimé exhiber un constat plutôt clinquant de l'UE comme un trophée de guerre et un brevet démocratique. Raté. Cette appréciation acidulée de Bruxelles tombe comme un cheveu sur la soupe électorale que la propagande officielle a érigée en rendez-vous crucial pour la «rénovation nationale». Mais vu de Bruxelles, ce beau dessein décliné sous forme de slogan de campagne pour le président-candidat est plutôt signe d'arriération politique. L'Union européenne a clairement mis le doigt sur la plaie des élections à l'algérienne. «Il n'y a eu aucun progrès visible dans la mise en œuvre des recommandations de la mission d'observation électorale de l'UE en mai 2012, lors des élections législatives.» Bouteflika et ses partisans, qui adorent les satisfecit venus d'ailleurs, sont très mal servis cette fois. Les Européens ne veulent plus être les témoins complices d'un scrutin joué d'avance. Depuis qu'ils ont essuyé, en 2012, un cinglant refus de mettre à leur disposition le ficher électoral au prétexte de «souveraineté nationale», les observateurs de l'UE ont compris que leur mission en Algérie est vaine. Ce sacro-saint fichier électoral, qui sert de tonneau des Danaïdes au pouvoir pour y puiser des voix en fonction des besoins, est jalousement gardé comme un bijou de famille. Et pour cause ! C'est la conclusion que l'UE a tirée. Et c'est fort logiquement qu'elle a décidé de ne pas servir de faire-valoir et d'alibi démocratique pour valider une élection non transparente. Il n'y aura donc point d'observateurs de l'UE. Politiquement, cela signifie que Bruxelles s'en lave les mains de la régularité de la présidentielle du 17 avril. Au-delà des doutes qu'elle instille dans les esprits des candidats en lice et de leurs électeurs potentiels, l'Europe a également sonné la charge contre les «réformes politiques» du Président. «Les réformes politiques lancées depuis 2012 dans divers domaines (…) le processus de mise en œuvre des lois fondamentales est resté lent. Certaines de ces lois – comme la loi sur les associations – ont aussi des lacunes évidentes par rapport aux normes et standards internationaux.» C'est là, in fine, une double disqualification de l'élection présidentielle et des «réformes politiques» qui lui ont servi de matrice. Et ce ne sont pas les comptes rendus extatiques des observateurs de la Ligue arabe, de l'OCI et de l'Union africaine qui vont changer la donne. Pas plus que les contorsions politiques de Sellal, Saadani, Benyounès, Ghoul et autres Belkhadem, Ouyahia ne trompent plus personne. Décidément, ce quatrième mandat, qui est déjà bien mal emballé ici, est tout autant mal reçu ailleurs.