Trois des six experts dépêchés à Alger, depuis le 1er février, par l'Union européenne pour élaborer un rapport d'étape sur le processus électoral en gestation, quitteront, aujourd'hui, Alger après avoir rencontré des responsables du ministère de la Justice, de partis politiques et des représentants de la société civile. Ce sont les trois des six experts de l'Union européenne dont la mission est «d'écouter» toutes les parties qui sont concernées par l'organisation, la tenue et la participation aux élections législatives prévues en mai prochain. Invitée officiellement par les autorités algériennes pour observer ces élections, l'Union européenne a accepté l'invitation parce qu'à l'instar de bien d'autres, l'Algérie figure sur ses registres comme «pays prioritaire pour observer ces élections selon une méthodologie bien rôdée.» Ce qui doit, en évidence, signifier que l'Algérie fait partie des pays dont les élections n'ont jamais été «ni propres ni honnêtes». Il est donc important pour «ces prescripteurs de feuilles de route» de les «observer» pour savoir si le régime qui gouverne est prêt à s'ouvrir à la démocratie, ou alors qu'il faille le faire remplacer par la force de révoltes «facebookiennes». Il est souligné du côté de la capitale de l'Europe que «c'est bien pour la première fois que l'UE est invitée officiellement par l'Algérie pour observer ses élections et qu'elle pourrait mandater une commission pour le faire». La précision à cet effet est que «tous les Européens qui sont venus au cours des précédentes élections, qu'ils soient experts ou parlementaires, l'ont été à titre d'indépendants et ne représentaient qu'eux-mêmes et non pas l'UE parce qu'ils n'avaient aucun mandat de sa part». L'UE a pris le soin de fixer des préalables avant d'envoyer ses observateurs sur le terrain électoral algérien. L'un de ses principaux préalables est d'envoyer en Algérie, «3 à 4 mois avant la tenue du scrutin», un groupe d'experts-éclaireurs qui puisse la renseigner sur la faisabilité de la chose électorale et les conditions dans lesquelles elle se tient. Ces conditions doivent, bien sûr, répondre aux principes, aux normes et aux critères qu'elle juge universels. C'est ce qui a été accepté par les autorités algériennes en accueillant à Alger, le 1er février dernier, six experts de ses services spécialisés dans le déroulement de joutes électorales «qui devront se déployer le plus largement possible sur le terrain pour pouvoir avoir tous les échos possibles sur les élections à venir». Choisis «librement» par l'UE, les six experts dont deux femmes ont été quand même désignés en concertation avec les autorités algériennes et font partie de la Commission de soutien aux élections qui siège à Bruxelles, du service des relations extérieures chargé du dossier Algérie auprès de l'UE et du service de liaison entre les forces de l'ordre dans ses Etats membres. A ce jour, ils ont rencontré des responsables du ministère de la Justice dont le magistrat qui préside la commission électorale, plus de 5 partis politiques dont le FLN, des représentants des médias et de la société civile en général. LE FICHIER ELECTORAL, «UN ELEMENT CLEF DE LA CREDIBILITE D'UNE ELECTION» Trois experts du service européen de l'action externe quittent donc, aujourd'hui, Alger en direction de Bruxelles où ils doivent faire un rapport d'étape au cabinet de la Haute représentante de l'UE, Catherine Ashton, sur ce qu'ils ont déjà «vu et entendu». Il est connu qu'en matière d'observation d'élections, l'UE considère que «le fichier électoral est un élément clé sur lequel ses experts doivent s'arrêter parce qu'il est une des garanties de la crédibilité d'une élection». Mais ceux qu'elle a envoyés savent que ce fichier n'est pas encore finalisé. Ils s'enquerront alors de «la façon de procéder à son assainissement et des textes de lois que les autorités algériennes suivent pour le faire et pour assurer la transparence et la crédibilité des élections». Les trois autres experts qui restent à Alger continueront leurs contacts avec toutes les parties qu'ils jugent nécessaires d'entendre. Ils retourneront à Bruxelles le 22 février prochain et remettront à Mme Ashton un rapport -celui-ci détaillé- sur tout ce qu'ils ont entrepris en Algérie comme recherches et travail d'écoute. Le rapport qui sera rendu public à la fin du mois en cours devra renseigner l'UE sur les conditions logistiques et sécuritaires de la tenue du scrutin, des conditions de préparation administrative du scrutin, les conditions d'enregistrement des candidatures, le traitement des contentieux des candidats, le cadre juridique encadrant les élections, la préparation des bureaux de vote, la qualité des urnes, la présence et le rôle des juges, des partis politiques et de l'ensemble des commissions de contrôle. C'est à partir d'une analyse «pertinente» des renseignements contenus dans le rapport de ses envoyés spéciaux à Alger que Catherine Ashton jugera s'il est nécessaire ou pas d'envoyer une mission d'observation composée de politiques et d'experts auxquels se joindront 6 à 15 parlementaires européens, auxquels elle donnera mandat en tant que première responsable de l'UE. UN MANDAT SANS «POUVOIRS» Au cas où ce mandat sera donné, les membres de la mission européenne d'observation devront venir en Algérie, un ou deux mois avant la tenue du scrutin, et repartir à Bruxelles un mois plus tard. La mission sera chargée durant cette période d'observer le processus électoral dans tous ses aspects, des moyens mis en place, du vote au dépouillement des bulletins jusqu'aux plaintes et recours des candidats lésés. L'UE s'oblige ainsi à avoir ses observateurs sur le terrain pour au moins 6 semaines avant le jour du vote pour qu'ils puissent se déployer eux aussi comme ils l'entendent. Il est évident que vu la grandeur des territoires algériens et même leurs moyens matériels qu'on dit «limités», les observateurs européens ne pourront se déplacer dans tous les bureaux de vote. Ils se contenteront d'observer -pour reprendre un terme des enquêteurs- «un petit échantillon» mais qu'ils jugeront représentatif selon les normes européennes, régionales et internationales et aussi conformes aux conventions internationales dont l'Algérie est signataire. La mission d'observation européenne, une fois mandatée, aura aussi un œil sur les médias publics lourds pour apprécier le temps de passage des candidats qui devra, selon ses principes, être «libre et équitable». Elle prendra aussi en compte les analyses du processus électoral par les médias nationaux et étrangers. L'UE prévoit, pour ce dernier point, la mise en place d'une unité de monitoring (d'assistance) aux médias qui seront accrédités pour la couverture du vote. «Elle ne fait qu'observer et faire des remarques, il ne faut pas prêter à la mission d'observation un pouvoir qu'elle n'a pas», dit-on du côté de Bruxelles. Si le mandat est signé, l'UE aura ainsi pour la première fois «observé» un scrutin algérien qu'elle estime se dérouler dans une conjoncture «lourde» de changements politiques. Elle l'aura fait sans n'avoir aucun pouvoir ni d'apporter des changements dans le processus électoral ni à ses résultats. «La consolidation des résultats du scrutin relève de la souveraineté des Etats», reconnaît Bruxelles.