Bruxelles a décidé de ne pas envoyer ses observateurs pour la supervision de l'élection présidentielle du 17 avril prochain. Signe d'un refus à peine voilé de cautionner une présidentielle qui présente toutes les caractéristiques d'une élection naegelienne. Dans une lettre adressée au ministère de Affaires étrangères, l'Union européenne a signifié aux autorités algériennes son refus d'envoyer une mission d'observateurs pour la supervision du scrutin présidentiel. L'UE a motivé officiellement sa décision par l'invitation tardive d'Alger. Le département de Ramtane Lamamra n'a saisi Bruxelles que vers la fin du mois de janvier passé, ce qui laisse «peu de temps pour l'Union européenne afin d'enclencher tout un processus de mise ne place d'une importante mission d'observateurs. Il fallait envoyer l'invitation à Bruxelles au mois six mois avant l'élection parce qu'il y a toute une procédure à suivre et une méthodologie rigoureuse présidant à l'envoi d'une mission d'observation. Il fallait envoyer la demande au mois d'octobre», nous explique une source de l'Union européenne. Contredisant ainsi la version du ministère des Affaires étrangères selon laquelle la décision de l'Union européenne «est liée notamment aux contraintes propres au fonctionnement des institutions européennes et surtout aux priorités d'agenda et de mobilisation des ressources financières pour la prise en charge des missions d'observation». Faux. Dans sa démarche, Bruxelles avait prévu d'envoyer, en amont, une mission exploratoire pour apprécier les conditions dans lesquelles se prépare l'élection présidentielle. Mais elle aurait surtout eu pour tâche de constater sur place dans quelle proportion les recommandations faites par l'Union européenne, au lendemain des élections législatives de mai 2012, sont appliquées par Alger. Pour rappel, l'UE avait consigné 31 recommandations, liées essentiellement au contrôle et à la surveillance, à même de permettre un processus électoral libre et transparent. Des recommandations qui, semble-t-il, n'ont pas été «sérieusement prises en considération» et «le dialogue avec les autorités algériennes peine à s'installer sur cette question», ajoute encore notre source. L'UE se contentera de dépêcher deux experts, qui n'auront pas pour mission de superviser l'élection présidentielle. Juste un signe pour «montrer l'intérêt que l'UE porte à l'Algérie». A Bruxelles, les Européens ne manquent pas, en tout cas, de se demander si le ministère des Affaires étrangères n'a pas «sciemment tardé» dans la saisine de l'Union européenne pour rendre caduque la venue des observateurs européens. Vraisemblablement. Les autorités algériennes gardent à l'esprit la polémique suscitée par la mission de 150 observateurs européens, lors des législatives de mai 2012, avec le ministère de l'Intérieur liée notamment au fichier électoral. Alger avait estimé alors que cette question relevait de «sa souveraineté» et qu'«il ne pouvait pas remettre des données concernant les citoyens à des étrangers». Souvent, la présence d'observateurs étrangers, notamment ceux de l'Union européenne, à l'occasion des différentes consultations électorales en Algérie est perçue par une partie de l'opposition comme une «caution» à un processus entaché d'irrégularités. Un alibi démocratique. Les officiels algériens ne manquent d'ailleurs pas d'arborer à chaque fois ce «blanc-seing» accordé par les démocraties européennes. Ainsi, des raisons de timing sont invoquées pour ne pas envoyer d'observateurs, il n'en demeure pas moins que les responsables de Bruxelles ont habilement trouvé l'argument imparable pour ne pas cautionner une présidentielle fermée. Ne s'embarrassant même plus des formes, le pouvoir d'Alger mobilise tous les moyens de l'Etat pour forcer le passage pour le quatrième mandat d'un candidat absent, dans un simulacre d'élection.