Les familles algériennes, une quarantaine de personnes, en comptant les enfants, ont enfin pu quitter la Libye hier en milieu d'après-midi après l'intervention de l'ambassade d'Algérie à Tripoli et le déplacement du vice-consul algérien à Ras Jedir, poste frontière entre la Libye et la Tunisie. Les premiers véhicules de vacanciers algériens rentrant pour l'été dans leur pays en provenance de Riyad et d'autres villes saoudiennes se sont présentés jeudi dernier dans la matinée au poste frontière libyen de Amsâad faisant face au poste égyptien de Selloum. « On nous a demandé d'attendre que d'autres véhicules d'Algériens et de Tunisiens arrivent afin de former un convoi pour être escortés pour la traversée de la Libye », raconte un des ressortissants algériens, père d'une famille de quatre enfants. L'attente durera finalement plus de 48 heures. Les autorités libyennes décident alors de démarrer le samedi à 18 h, alors que plusieurs conducteurs se plaignent de ne pas pouvoir rouler de nuit, faute d'avoir dormi dans des conditions d'hébergement désastreuses à Amsaâd. « Ils n'ont rien voulu savoir et nous ont obligés de force à nous mettre dans le convoi. Nous avons roulé constamment à grande vitesse derrière la voiture de sécurité. C'est un miracle s'il n'y a pas eu de mort. J'ai rattrapé deux fois ma voiture dans le bas côté après que mes paupières se soient fermées. J'ai réveillé le conducteur qui me précédait en lui klaxonnant, alors qu'il partait dans les décors. C'était terrible pour tous. » Il y a 1600 km de Amsaâd jusqu'à Tripoli et encore 180 km jusqu'à Ras Jedir à la frontière tunisienne. Conduits au pas de charge en 36 heures sur cette immense distance, les huit familles d'Algériens auxquelles s'étaient ajoutées deux familles tunisiennes n'étaient pas au bout de leur peine. Au moment de quitter le territoire libyen, les autorités douanières de ce pays leur ont demandé de régler une taxe de passage de 265 dinars libyens par personne. Ce qui revient à environ 300 dollars en moyenne par véhicule et par famille. Les deux familles tunisiennes arrivent à trouver un compromis grâce à la proximité des autorités de leur pays du côté de la frontière. Les familles algériennes comprennent qu'il s'agit d'un racket et refusent de verser l'équivalent de 23 000 dinars algériens chacune qui ne correspondent à aucun prélèvement réglementaire. Elles sont alors parquées dans un enclos à moutons sans toiture, passant la nuit à la belle étoile, puis affrontant le soleil de plomb dans la journée sans le moindre espace d'ombre. Les enfants souffrent d'insolation, les parents sont épuisés et humiliés. Cette détention punitive à Ras Jedir, après le blocage de trois jours à Amsaâd et le convoyage infernal d'Est en Ouest à travers la Libye, provoque l'effondrement moral de tous. Des mères de familles appellent leurs parents en larmes en Algérie : « Nous sommes pris en otages sauvez-nous ! » L'ambassade d'Algérie à Tripoli est saisie et le vice-consul s'est déplacé tôt hier matin à Ras Jedir. Il obtient d'abord que les familles soient déplacées dans un hangar à l'abri du soleil, les pourvoit en eau et en aliments, ce qu'elles n'avaient pas le droit de faire durant 24 heures, faute de pouvoir changer leurs devises en dinars libyens. C'est finalement à 16 h locales que leur cauchemar connaît son dénouement. Les six véhicules et leurs occupants sont autorisés à avancer vers le poste frontière tunisien. Ils ont mis six jours pour en finir avec leur étape libyenne, ils ont été dépossédés de leur passeport durant tout ce temps, toujours accompagnés des forces de sécurité comme s'il s'agissait de terroristes en liberté, ont dormi dehors et souffert de la canicule en rase campagne sans droit de changer de place. Des officiels libyens leur ont présentées des excuses solennelles au moment de leur départ et ont dit être désolés de ce qui est arrivé : « Il s'agit d'officiers qui ont agi ainsi de leur propre chef, nous vous promettons qu'ils seront punis. » Les officiels libyens ont également promis aux familles algériennes des réparations à leur passage en Libye durant leur retour en Arabie Saoudite à la fin de l'été.