Des senteurs des Caraïbes aux mirages des déserts, aux battements du cœur de l'Europe, en passant par la douce Méditerranée, c'est la fusion culturelle que propose le groupe Watcha Clan de retour à Oran après un premier concert en 2003 avec Nomades Aka. Programmé à l'USTO les 19 et 20 juin, c'est finalement à cause de la grève des enseignants, à la salle de concerts du CCF que leur spectacle a eu lieu. Les organisateurs ont bien fait de démonter les sièges de ce petit espace, et ce n'était en fin de compte pas uniquement pour gagner de la place car le lieu est devenu une véritable discothèque avec un public en délire dès l'entame du show. Avec Watcha Clan, « on est d'abord citoyen du monde » (et il le prouve en chantant dans plusieurs langues) mais sans doute du côté des rebelles, des marginaux et surtout de ceux qui, issus de tout bord, militent pour un monde meilleur. L'engagement n'est pas seulement dans le texte mais aussi dans le rapprochement des cultures et donc dans la manière de faire la fête, vue comme un dernier bastion (le titre du second album sorti en 2005) contre les méfaits d'un monde toujours plus injuste. On fait la fête mais on est pas là pour rigoler, titre d'une chanson, semblent dire les éléments du groupe revenus cette fois avec, outre le noyau dur Soupa Ju (Julien) monté sur scène avec le maillot de l'équipe nationale algérienne (à la manière de Manu chao), Sista Ka (Karine) et Suprême Clem (Clément), un nouveau bassiste (contrebasse électrique), Matt la basse (Mathieu). Alors que les danses d'inspiration indoue de Sista Ka, qui s'est mise à la flûte traversière pour quelques mélodies et à la guitare pour quelques accords, attirent l'attention. Clément, toujours avec sa tenue de moine extraterrestre, a ajouté à ses claviers et samplers des instruments de la tradition comme l'harmonium et l'accordéon. Pour l'avoir exprimé lui-même, Mathieu a trouvé dans le groupe d'abord des affinités mais aussi un espace de création musicale, lui qui a fait plusieurs écoles et commencé sa carrière en se produisant dans les bars. Rencontré entre les deux prestations oranaises, Soupa Ju, leader du groupe, pense que « l'engagement est plus prononcé dans le second album avec des textes plus engagés ». Alors que dans Bastion on présente Marseille comme un port ouvert au monde, dans A coup de sampler on déplore : « les plus belles révolutions sont derrière nous. » « Si l'aspect politique est plus affirmé dans ce produit, c'est qu'entre temps il y a eu des changements dans le programme en France avec des conditions plus dures pour la culture et le social », atteste encore Julien qui a, par ailleurs, effectué un voyage à Cuba. Il a constaté que là, les conditions sont aussi dures (comme en Algérie), tout en pensant que le continent Sud-Américain bouge musicalement mais aussi politiquement avec Chavez qui est élu par son peuple pour sa politique sociale et sa volonté de ne pas céder le pétrole, avec Evo Morales, mais aussi le Chili qui a élu une femme à la tête de l'Etat. Ce voyage lui a sans doute inspiré radio Rebel, mixé par Clément, sur la base du discours prononcé par un acteur interprétant le rôle de Fidel Castro. Dans certaines de leurs escales, comme ici à Oran, le groupe tente des expériences qu'il partage avec d'autres musiciens. Le public a autant apprécié la réinterprétation avec une version électronique de Oued Chouli, chahlet laâyani ou ghoumari. Mardi soir, le spectacle a été clôturé avec lahshuma (la honte), composé contre « les caméras de surveillance qui font de nous des stars d'un jour », chantent les Watcha Clan après avoir raconté l'histoire du capitaine mission qui a failli, il y a bien longtemps, fonder la République de la liberté.