La salle Ibn Zeydoun a abrité, mercredi soir, un magnifique concert dédié aux mélodies savantes... Ils étaient dix sur scène. Neuf musiciens au milieu desquels trônait comme une princesse, une jeune fille à l'allure orientale. Tous partagent la passion des musiques et des rencontres. Ils viennent de divers horizons: Algérie, France et Sénégal. Au cours de deux résidences de création, à Dakar, Alger puis à Besançon, les musiciens, certains d'entre eux, issus du Conservatoire d'Alger ont, sous la direction artistique d'Eric Helfer, trouvé ce qui les unissait tout en puisant au plus profond de ce qui les distinguait les uns des autres cette sève originelle. Après une expérience indienne qui s'est soldée par un live intitulé «Yatra» (voyage en indien), l'Opéra-théâtre de Besançon a poursuivi avec la compagnie Altérités, son exploration des musiques du monde à la recherche du plus grand dénominateur commun entre les peuples et les cultures, lieu de convergences des identités culturelles et musicales et de leur histoire féconde. Gharnata ou Grenade, ville symbole de la grandeur civilisationnelle des arabes en Andalousie mais aussi de la confluence Orient-Occident, devient le coeur battant des musiques nomades, le carrefour civilisationnel du pan méditerranéen. Mercredi soir, à la salle Ibn Zeydoun de Riadh El Feth, l'ensemble musical devant un public nombreux, a su insuffler à son répertoire ce cachet merveilleux qui nous a plongés vers les abysses d'un passé lointain. Le public s'est délecté d'un programme allant la nouba le flamenco ou garrotin le chaâbi, le tindi et le malouf. C'est par une nouba algérienne dirigée par la voix de rossignol de Mériem Boualachiche à la Kouitra que la qada a été ouverte. Les youyous accompagnaient les cinq mouvements de ce chant d'amour et de poésie. Manuel Aguilar enchaînera avec un vent de flamenco, léger et festif, classé dans le genre appelé «va-et-vient», c'est-à-dire les chants qui sont partis d'Espagne en Amérique latine et qui en sont revenus transformés et réintégrés dans le répertoire flamenco. De sa voix puissante, Manuel entonnera des pièces vocales telles «Oh! Ma vie, ma petite vie!», expression «quechua», issue du folklore argentin. Place maintenant au chaâbi avec Lamouni et Man a man qui, malgré son enveloppe festive, parle, dans un texte engagé, de la misère et de l'injustice sociale. Le tindi avec son vague à l'âme, est une embarcation immédiate vers la «Nomade land». Lumière tamisée, le désert est à nos pieds que nos oreilles frôlent délicatement. Le son du karkabou achève de porter aux nues le rythme ensoleillé du peuple du grand Sud. La salle applaudit en synchrone. La chaleur de l'Afrique rayonne de mille feux dans la salle d'Ibn Zeydoun. Le flamenco flirte avec le chaâbi. C'est le maâlouf qui s'installe. Triomphant style qui impose sa nostalgie et ses déclinaisons juives. «Etoiles filantes» clôture en beauté cette soirée dédiée à la mélodie savante. Ce morceau est un «hommage à ces et ces hommes qui ont fui leur pays, attirés par le mirage de l'Occident, cette nouvelle Babylone et l'espoir d'une vie meilleure». Le récital se termine en apothéose avec notamment la danse gracieuse de Mériem et le jeu tonique des musiciens qui viendront se mêler à la foule, à la fin du concert. Pour rappel, le concert de Gharnata a été organisé sur initiative du CCF d'Alger avec l'apport de l'établissement Arts et Culture qui a prêté ses ateliers, pour que ce travail de résidence se fasse et que naisse cette fusion captivante des genres.