Méditerranéenne dans son essence, la musique du groupe plaide pour le métissage sous toutes ses formes... Une musique qui bastonne? C'était le cas, mercredi et jeudi soir, à la salle Ibn Zeydoun avec les rythmes ethno-raga-jungle-ska que distille le groupe phocéen Watcha Clan. Une multitude de sonorités méditerranéennes mixées à la sauce bien épicée. Et malgré l'absence quasi-totale du public lors de la première soirée, la chaleur, elle, était au rendez-vous, au comble du paroxysme... Et tant pis pour les absents! Sur scène, les six éléments du Clan se sont déchaînés versant du plein bonheur aux gens. La tribu des Watcha s'agrandissait au fur et à mesure que la température augmentait dans la salle, faisant un pied de nez à la froideur lugubre qui régnait à l'extérieur. Le groupe plaidait, en fait, pour le métissage dans son acception générale. «Il y a non seulement un métissage musical, culturel, mais aussi humain, vu qu'on vient tous d'horizons différents», explique Soupa Ju, un glisseur originaire des Hautes-Alpes, à la guitare mais aussi au chant. Watcha Clan, c'est également le batteur anglais Rob, Clément (Super Clém !) qui manie avec dextérité et talent les beats jungle, Jérémy, un Belge «trognon» qui jongle entre un saxo soprano et de la percussion (doum doum, derbouka,banjo, djembé), Mike qui a traversé un bout de la planète (Montréal, Canada) pour venir jouer de la basse avec le groupe et enfin, Karine dite Sista Ka, au vocal, symbole de brassage culturel à elle toute seule (son père est algérien et sa mère polonaise). Une profonde et planante voix qui usera de différentes langues pour «faire passer de l'amour sur scène et en recevoir». La scène est pour elle, en effet, un lieu de régénérescence où, dit-elle, «j'arrive à m'épanouir complètement». Aussi, pieds nus telle une sauvageonne, elle est tour à tour aguicheuse, captivante et émouvante, notamment dans Gypsy dub, un titre chanté en hébreu en faveur de la paix, mystique dans Limou, déclinée en hindi (dernière création qui figurera sur le prochain album). Avec du tempérament à en revendre, Karine s'essayera à l'arabe dans un parfait Ya ouled bladi, selbouni aynak Comme elle s'épanchera en provençal dans Nomades. Du pur bonheur. Avec les Watcha Clan, le voyage était permis sans «visa». D'expériences en «transhumance», le périple musical partait pour être intense en émotion, et l'alchimie était grandiose! Vocal oriental, flamenco, tchatche, ragga, envolées lyriques où se mêlent les battements chaleureux des instruments «percusifs» et les beats jungle, quelques touches tziganes, ici, créole avec les Caraïbes, là, et la boucle de la world music est presque bouclée! C'est la rencontre avec Capitaine Mission, un pirate libertaire, qui a aboli avec son peuple l'esclavage. Un délire ragga drum'n bass. L'entre-choc des sons roots, danse africaine traditionnelle et les sons électroniques confortent ici leur promesse dans Lahshuma. La foule de jeunes gens qui a envahi le bas de la scène, il y a déjà un moment, est au bord de la transe. Du vertige extatique. Le tempo s'accélère démesurément. C'est l'appel des racines. L'Afrique au corps. L'on est vite épris par ces sons «animal» qui vous embrasent de l'intérieur, vous font remuer et vous entraînent dans leur sillage. Le mélange est une fusion féconde qui impulse des sensations enivrantes. Karine et Julien qui tiennent le lead forment un duo d'enfer. Par la force de la musique et le ton du texte, les Watcha Clan véhiculent un message positif, exprimant l'esprit d'ouverture et de tolérance. En l'espace d'une heure et quarante-cinq minutes, le groupe nous offrira quelques-uns des plus beaux morceaux qui figurent sur son tout nouvel album intitulé Nomades a.k.a (sorti chez Mosaïc Music), hélas pas disponible chez nous. Watcha Clan sera du 26 février au 1er mars au Doc Sud de Marseille pour un rendez-vous des professionnels de la musique où il prendra part au Strictly mondial, un réseau de world music européen dont une partie sera consacrée, cette année, à l'Algérie, compte tenu de l'événement: l'Année de l'Algérie en France.