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Entre « l'ogre » des Ikhwan et la matraque
L'opposition politique face au système Moubarak
Publié dans El Watan le 28 - 06 - 2006

Garden City, quartier quasi-fermé à la circulation. La présence bétonnée de l'imposant siège de l'ambassade des Etats-Unis explique l'enclavement de ce quartier du centre-ville, en bordure du Nil. C'est non loin des nombreux « lidjan » (comités), barrages fixes gardés par des policiers en uniforme blanc et béret noir, la tenue d'été.
« Ils n'ont pas l'air méchant ainsi, mais il fallait les voir lors des manifestations, surtout les agents d'Al amn al markazi (la sûreté centrale)...Terrible », commente une journaliste cairote qui nous accompagne vers le siège de l'ONG Initiative égyptienne pour les droits de la personne. « Nous avons enregistré une franche augmentation de la violence policière depuis les dernières manifestations de solidarité avec les magistrats protestataires », estime le jeune Houssam Bahgat, responsable de l'ONG, née en 2002. « La nouveauté est que les services de sécurité semblent avoir carte blanche pour réprimer le plus durement possible : torture, sévices sexuels, etc. Des officiers d'Al amn markazi ont verbalement communiqué à plusieurs militants politiques que ‘'la situation est nouvelle et nous avons de nouvelles consignes, nous frapperons très fort !'' », dit sereinement Bahgat. Les exemples des sit-in durement réprimés abondent. Mais il faut citer celui du 25 mai 2006 en solidarité avec deux magistrats, Hicham Bastawissi et Ahmed Mekki, poursuivis par le conseil de discipline de la Haute cour pour avoir publiquement dénoncé les abus et les violences à l'encontre des juges chargés de surveiller le référendum constitutionnel du 25 mai 2005, l'élection présidentielle de septembre et le scrutin législatif de novembre-décembre de la même année. Le pire a été vécu par deux militants du mouvement d'opposition Kifaya (Assez !). Mohamed Al Charqaoui et Karim el Chaêr ont subi des tortures dans le commissariat de Qasr Ennil à Garden City. Dans une lettre sortie clandestinement de prison, Charqaoui a révélé avoir subi des sévices sexuels. La vague d'arrestations a culminé durant la période mai-juin à presque un millier de détenus qui représentent la totalité des colorations politiques égyptiennes : des Frères musulmans -un responsable de la confrérie avait fait état, le 13 juin, de 850 arrestations en trois mois- aux militants d'extrême gauche, journalistes, artistes, avocats, militants altermondialistes, etc. « Au premier sit-in à la mi-mai, ils ont arrêté une dizaine de manifestants devant le Club des juges. Le lendemain, il y a eu le double des manifestants face aux forces de l'ordre, trois jours plus tard, le triple. Le pouvoir s'affole », témoigne Imad Farid, responsable du centre d'information au Hizb Al Ghad (parti de Demain), présidé par Ayman Nour, 42 ans, arrivé derrière Hosni Moubarak au pouvoir depuis 1981, à la présidentielle de septembre 2005. Nour a été condamné en décembre 2005 à cinq ans de prison pour falsification des documents nécessaires à l'agrément de son parti et est interdit de jouir de ses droits politiques durant dix ans. Imad Farid, lui-même, qui nous a reçus dans le bureau de l'avocat Ayman Nour donnant sur la place Maydan Talâat Harb, a été arrêté et présenté au parquet pour « insulte au Président, menace de l'ordre public, perturbation de la circulation routière, agression contre les forces de l'ordre, provocation de désordre, propagande abusive dans la rue, rassemblement illégal, etc. ». « L'ironie dans l'histoire est que j'ai été jugé sur la base des dispositions de la loi sur les manifestations datant de 1914, la même qui a été appliquée aux leaders nationalistes de la révolution de 1919 contre l'occupant anglais ! », ajoute Imad. « La montée en puissance de la répression peut être expliquée par l'intrusion des magistrats, qui participent à la gouvernance, dans le champ de la contestation. Les juges représentent une vraie autorité morale qui faisait défaut aux différents mouvements protestataires, tels que Kifaya, qui s'étaient essoufflés depuis les dernières élections de la fin 2005 », estime Houssam Bahgat. Il fallait réprimer vite et bien pour éviter toute « contagion » de l'esprit de protestation. L'intellectuel Fahmi Houweydi rappelle dans un article dans El Karama, un organe d'opposition, qu'il aurait été impossible dans d'autres conditions d'ébullition aux universitaires de pouvoir imposer l'interdiction aux forces de l'ordre d'intervenir au sein de l'université comme cela s'est déroulé à l'université du Caire le 9 mars 2006.
Le Raïset et le « chaos »
« On peut également avancer que l'attitude américaine, peu soucieuse du respect des droits humains, a encouragé le régime et ses relais médiatiques à redoubler de férocité contre toute idée de changement », ajoute le responsable de l'ONG qui ne bénéficie pas encore d'agrément. Pourtant, l'allié stratégique du Caire a surpris les observateurs en critiquant « la lenteur des réformes » en Egypte. « Une accélération des réformes n'aboutirait en Egypte, ou dans le monde arabe, qu'à une chose : "le chaos" », a rétorqué le président Moubarak, 78 ans, qui a été réélu en septembre 2005 pour un cinquième mandat qui s'achèvera en 2011. Son Premier ministre, Ahmed Nazif, a précisé que la démocratie ne conduisait aujourd'hui à rien d'autre qu'à amener les islamistes au pouvoir. « Quand le processus commence, certaines choses se produisent, vous voyez par exemple les islamistes gagner des positions au Parlement ici, en Palestine et en Irak », avait-il déclaré fin mai à l'adresse non seulement des Américains mais aussi à l'ensemble des mouvements de protestation regroupés sous la bannière du Ataghyir (le changement). Les Frères musulmans, interdits mais « tolérés », ont remporté une avancée significative lors des législatives, fin 2005, avec 88 sièges sur les 444 que compte le Parlement. Le gouvernement égyptien a d'abord renvoyé à 2008 les municipales prévues pour le début de l'année 2006, « par crainte évidente de nouveaux gains pour les Frères musulmans », selon la thèse consensuelle au Caire, et a décidé de proroger pour deux ans encore l'état d'urgence imposé depuis 1981, suite à l'assassinat du président Anouar Sadate par un militaire d'obédience islamiste, Khaled Islambouli, lors d'une parade militaire. Si la boutade de Washington est considérée en Egypte, par les milieux politiques, comme une « saute d'humeur », la question de la propre succession de Hosni Moubarak retient l'attention de l'opinion publique. « Le schéma est simple : Moubarak veut que son fils cadet, Gamal (42 ans, numéro 3 du parti au pouvoir), lui succède. Pour ce faire, il doit dévitaliser toute opposition à son projet en brandissant l'ogre des Ikhwan (les Frères musulmans) », résume un proche du mouvement Kifaya, anciennement militant au parti socialiste Atagamoû al ichtiraki, qui s'est allié avec les Frères musulmans dans le cadre de l'opposition face au régime. Pour les Frères musulmans, « le changement est une constante dans nos revendications ». Et la confrérie a massivement suivi et appuyé la révolte des juges. Mi-juin, le parquet du Caire a décidé la détention pour quinze jours, en attendant la fin de l'enquête, de 312 manifestants arrêtés, dont le porte-parole des Frères musulmans, Essam Al Aryane, et un ancien député membre de la confrérie, Mohammad Mursi. Les autres détenus font partie du mouvement Kifaya. « Au début, les leaders de Kifaya ont refusé de s'allier avec les Ikhwan. Mais en réalité, la popularité des Frères et leur activisme ostentatoire dans la société les rendaient incontournables pour un mouvement qui se voulait populaire et rassembleur. Ils ont des positions claires : ils soutiennent le combat des juges et sont contre la succession dynastique que programme le régime de Hosni Moubarak », explique Khaled Abdelhamid de la section Jeunesse de Kifaya. « Mais dès qu'il s'agit de s'attaquer directement au Président, à la fraude électorale, les Frères se montrent plus prudents. Nous leur disons tout le temps de trancher au lieu d'avancer et de reculer sans cesse », nuance George Ishaq, porte-parole de Kifaya et professeur d'histoire, rencontré dans son bureau au centre du Caire. Mais Mahmoud Izzet, secrétaire général des Frères musulmans, dira : « C'est à nous d'être les leaders du mouvement des réformes qui requiert une grande force de foi pour rester fidèles au slogan de notre mouvement ‘'L'Islam est la solution''. » Dans sa déclaration sur le site Ikhwan-online, le leader de la confrérie estime que les arrestations massives « n'ont fait que renforcer le respect de la population envers nous ». « Dans la rue, au Caire, à Al Arich ou à Alexandrie, les gens voient bien que ce sont les Ikhwan qui se font arrêter par les forces de l'ordre. Les gens leur font confiance, car ils leur permettent de trouver la voie de se venger du régime de Moubarak », atteste une journaliste qui regrette, par ailleurs, la faiblesse des mouvements socialistes et avant-gardistes. « Abdenasser et Sadate ont joué avec le feu, c'est-à-dire annihiler, à l'aide des Frères, une bonne partie de la gauche qui refusait de se complaire avec le régime », poursuit-elle. « Il est vrai que les Frères comptent beaucoup sur la scène politique et qu'ils représentent la première force d'opposition, mais leur entrée publique dans le jeu politique non clandestin les a poussés à devenir plus souples, aptes à conclure des compromis, à partager tacitement, par exemple, le champ des interventions caritatives avec Suzanne Moubarak, l'épouse du Président, très active dans ce domaine », estime une ex-sympathisante des Ikhwan et qui a pris ses distances avec la confrérie. Montrer moins de radicalisme semble être à la mode du jour depuis la fin des années 1990. La Jamâa islamiya, officiellement impliquée avec l'organisation Al Djihad dans l'assassinat de Anouar Sadate en 1981, a commencé à réviser ses positions radicales dès 1998 et a annoncé l'abandon de la violence. La Jamâa a publié un livre en 2003, expliquant ce changement idéologique. Certains dirigeants historiques de cette organisation, comme Karam Zahdi et Hamdi Abdelrahman, avaient été libérés au cours des dernières années. Mais le souvenir de l'attentat dans le site touristique de Louxor au sud du pays, qui avait fait 58 morts en novembre 1997, reste vivace. Traumatisme réveillé par les derniers attentats au Sinaï contre des sites touristiques. Mais la dernière bataille entre les Frères et le Parti national démocratique (PND, le parti du pouvoir), s'est joué ailleurs : autour des écrans géants projetant les matchs du Mondial allemand. Les pancartes d'annonces des députés des deux partis invitant les Cairotes à suivre les rencontres de football sur des écrans géants ombragent les grands boulevards en bordure du Nil. « Bof ! Moi je suis anti-Mondial. Je ne vais rien gagner face à un écran. J'arrive difficilement à boucler mes fins de mois, j'ai deux enfants. Je gagne moins de 300 livres égyptiennes par mois et il m'en faut le triple pour faire vivre dignement ma famille. Que Dieu emporte ce régime et les politiciens », s'insurge Ahmed, le chauffeur de taxi qui ne sait pas quoi faire pour changer les choses. « La révolte est un lent processus en Egypte », indique Maria, communiste de 80 ans, chassée d'Egypte du temps de Abdennaser à cause de ses origines européennes et habitant Doqi, quartier de l'autre côté du centre-ville, pour y accéder, on enjambe le Nil et l'île d'Ezzamalek. « N'oubliez pas que ce pays a hérité de quatre mille ans de civilisations. En d'autres termes, nous avons hérité de 40 siècles d'administration centralisée », ajoute-t-elle.


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