Trois jours après le double attentat d'Alger, les rues de la capitale connaissent un trafic nettement plus fluide qu'habituellement. Le samedi, premier jour de la semaine, est totalement différent des autres samedis où les rues connaissent une affluence particulièrement “populeuse”. Après les attentats de mercredi, le quotidien est bouleversé. Et la particularité de ce samedi réside dans le “warning” de l'ambassade des Etats-Unis à Alger, qui met en garde contre des attentats à la Grande-Poste et au siège de la Télévision nationale. Le dispositif s'est vite mis en place. Interdiction de garer sur les principaux axes. Place Audin, en plus du barrage installé depuis des années, d'autres véhicules de police ont fait leur apparition. Le peu de voitures en circulation est vite contrôlé. Jusqu'à la Grande-Poste, aucun automobiliste n'est autorisé à stationner. Seuls des taxis osent s'arrêter à l'appel d'un client. Jusqu'à la Grande-Poste rien d'anormal, sauf peut-être qu'aucune voiture n'est garée. Alentour de la poste également, pas de véhicules. Les services de sécurité sont invisibles, hormis quelques policiers en voiture qui sillonnent les artères. Sur la rue Khemisti, seules les entreprises qui travaillent pour le rétablissement du téléphone récemment perturbé par un incendie sont autorisées à laisser leurs véhicules regroupés. Ainsi, aucune autre voiture ne peut se mettre à proximité de l'édifice. À l'intérieur, après avoir passé les deux agents de sécurité qui surveillent les deux entrées, les gens ne semblent pas avoir pris connaissance de l'alerte donnée par les Américains. On a cette impression d'être seul en proie à la panique et à la peur. Mais la tension se fait néanmoins perceptible sur les visages. Le double attentat kamikaze est encore frais dans les mémoires. Direction seconde cible potentielle, boulevard des Martyrs où est situé le siège de la télévision. Aucun dispositif particulier n'est visible à l'extérieur. Depuis bien longtemps, personne ne pouvait s'arrêter à côté des trois principales entrées de la télévision et de la radio. À l'intérieur, devant chacune des entrées, le contrôle est renforcé par de nombreux agents de sécurité. Ils sont cette fois en nombre considérable. C'est dire que l'alerte est prise au sérieux. La pluie a repris de plus belle, et les agents de sécurité appelés en renfort au niveau de la dernière barrière sont en retrait alors que les rares personnes qui s'y engouffrent sont fouillées minutieusement. Inutile de demander un renseignement, de poser des questions. Le ciel alourdit davantage l'atmosphère. Plus bas que l'ENTV, le commissariat du 9e arrondissement ne donne aucun signe de panique, mais semble prêt à réagir. Suivant les informations qui ont fait état le matin d'un ratissage dans le quartier du kamikaze qui s'est fait exploser devant le Palais du gouvernement, nous nous rendons sur place. On aborde le quartier avec les barrières de police, ces barrières qui servent à canaliser généralement les supporters de football. Pour descendre directement sur le chemin menant au Centre, il faut prendre un détour qui donne sur le commissariat, où posté devant, un agent a le regard sur tous les véhicules qui passent, et vous intime de ne pas vous arrêter. Un petit tour dans le quartier qui semble en ce début de semaine trop calme n'indique aucune activité de ratissage. On ne se bouscule même pas devant les bus. Retour une nouvelle fois devant la Grande-Poste. Absolument rien n'a changé. On se sent plutôt épié. À l'intérieur, chacun vaque à ses occupations. Dehors, les Algérois se font de plus en plus rares. Le climat est de plus en plus lourd alors que la pluie se fait incessante. La panique a gagné du terrain. Les alertes à la bombe se succèdent. Une bombe aurait explosé à Chevalley sur les hauteurs d'Alger. On se renseigne. Chacun y va de sa version. Il n'en était rien, en fin de compte. À peine cette bonne nouvelle confirmée, qu'un autre appel signale une autre bombe. On est arrivé jusqu'à annoncer un attentat devant le siège de Djezzy, l'opérateur de téléphonie mobile. Ces rumeurs ont commencé dès mercredi, comme ce fut le cas durant les années 1990, mais elles se sont accentuées dès que les gens ont pris connaissance de l'alerte donnée par l'ambassade américaine. On n'est plus loin, dès lors, de la psychose. Djilali B.