La colonisation a été un système inéquitable et oppresseur. La guerre d'Algérie a produit, comme toute guerre, des tragédies humaines. Dire cette vérité, n'est pas rajouter du malheur à la douleur, c'est accomplir notre devoir à l'égard de toutes les victimes de cette période. Le retour sur notre passé est nécessaire pour préparer l'avenir », affirme dans une interview à El Watan le premier secrétaire du Parti socialiste français, François Hollande, en visite de deux jours à Alger à compter d'aujourd'hui à l'invitation du FLN. Le dirigeant du PS relève, par ailleurs, les liens tissés par l'histoire, par la géographie mais aussi par « des valeurs communes que les échanges entre nos populations contribuent de diffuser » entre l'Algérie et la France. Dans quel but et à quelles fins vous rendez-vous en Algérie ? J'entends marquer dans ce déplacement l'attachement que les socialistes portent à l'approfondissement des relations entre la France et l'Algérie. Près de 3 millions de citoyens français puisent une part de leurs racines en Algérie. Nos deux pays sont liés par l'histoire, par la géographie, mais aussi, par des valeurs communes que les échanges entre nos populations contribuent de diffuser. Enfin, la place de l'Algérie au cœur du Maghreb en font pour moi le partenaire naturel de la France pour promouvoir une politique ambitieuse en méditerranée. Votre dernier ouvrage s'intitule Devoirs de vérité, ce devoir de vérité concerne-t-il la période coloniale ? Vous avez affirmé récemment face à des correspondants de la presse étrangère : « Nous sommes prêts à ce qu'on dise ce qui s'est passé pendant la guerre d'Algérie. » Il n'y a pas que la période de la guerre, il y a toute la période coloniale (1830-1962). L'Etat français doit-il reconnaître et assumer sa responsabilité en la matière ? Si la gauche remportait l'élection présidentielle de 2007 le ferait-elle ? La colonisation a été un système inéquitable et oppresseur. La guerre d'Algérie a produit, comme toute guerre, des tragédies humaines. Dire cette vérité, n'est pas rajouter du malheur à la douleur, c'est accomplir notre devoir à l'égard de toutes les victimes de cette période. Le retour sur notre passé est nécessaire pour préparer l'avenir. Que propose le PS pour une écriture, sinon objective du moins honnête, de notre histoire commune ? C'est un travail qui doit mobiliser les acteurs de cette période, les historiens, mais surtout les sociétés de nos deux pays. Il ne peut pas s'agir pour la France d'écrire toute seule ce qu'est son histoire, alors qu'elle est, pour un temps, celle aussi de l'Algérie. C'est ensemble que nous devons faire cet exercice de reconnaissance et de clarté. Le traité d'amitié franco-algérien est-il enterré ? Quel contenu votre parti lui assignerait-il ? L'idée ne vient pas de nous, mais dès lors qu'elle a été lancée et reprise des deux côtés de la Méditerranée, je suis attaché à la signature de ce traité d'amitié. Mais, je sais que la loi du 28 février 2005, votée par la majorité de droite, en France, a suscité incompréhension et colère ici en Algérie mais aussi en France. C'est pourquoi la gauche s'est mobilisée pour l'abrogation de son article 4 qui reconnaissait le caractère positif de la colonisation. Nous avons obtenu gain de cause et Jacques Chirac a fini par faire annuler cette disposition. Aujourd'hui, il faut donc reprendre le dialogue pour aboutir à lever tous les obstacles qui demeurent jusqu'à la conclusion de ce traité. Quel type de partenariat, avec quels contenus et dans quels domaines prioritaires envisagez-vous d'entretenir avec l'Algérie si la gauche revenait au pouvoir en France ? Il s'agit pour nous de faire en sorte que l'Europe engage une coopération renforcée avec l'ensemble du Maghreb, et en particulier avec l'Algérie, sur les domaines-clés du développement, les infrastructures, la question énergétique, l'éducation. De cette dynamique nouvelle, nous devons pouvoir espérer une croissance économique plus soutenue de chaque côté de la Méditerranéenne. Dans ce monde qui se globalise, l'Europe et l'ensemble des pays de la Méditerranée doivent se construire une communauté d'intérêt commune. C'est en tout cas le sens que nous entendons donner à notre politique envers l'ensemble du Maghreb. Dans ce cadre européen, il va de soi que des relations privilégiées doivent être développées entre la France et l'Algérie tant nos deux pays ont des intérêts communs. Vous avez passé un an en Algérie. Quelles images, quels sentiments gardez-vous ? J'ai effectivement séjourné plus de huit mois à l'ambassade de France à Alger, lors de ma scolarité à l'ENA, c'était il y a plus de vingt-huit ans ! Je découvrais une Algérie fière de son indépendance, mais qui, déjà, attendait beaucoup de la France. Je mesurais le potentiel de l'économie algérienne, trop bridé par les rigidités bureaucratiques. Mais, je garde surtout l'image d'Alger pleine d'une jeunesse qui a fait l'Algérie d'aujourd'hui et déjà de ses antennes de télévision qui nous relient au-delà de la Méditerranée. Suite à l'affaire Clearstream, dans la motion de censure que vous avez défendue à l'Assemblée nationale, le PS affirme que « le divorce entre le pouvoir et les Français est consommé avec l'implication de l'Exécutif dans la ténébreuse affaire Clearstream ». Que propose le PS pour que les Français retrouvent confiance dans leurs dirigeants, en particulier, et dans la classe politique en général ? La confiance, dans tout pays, est nécessaire pour retrouver la cohésion sociale et la dynamique économique. Aujourd'hui, la France connaît une fin de règne politique, mais se prépare à un choix crucial en 2007. Là, est l'essentiel. C'est pourquoi les socialistes ont une grande responsabilité. Ils doivent porter un projet. La confiance dans la démocratie suppose des institutions qui soient fondées sur la responsabilité et la clarté. La confiance dans le progrès exige que les fruits de la prospérité soient justement répartis. Enfin, la confiance dans l'avenir nécessite une politique qui donne à chaque citoyen conscience qu'il a sa place dans la République. C'est tout le sens de la politique qu'il faut conduire à l'égard ce que l'on appelle les banlieues. L'éducation, l'urbanisme et l'emploi doivent être nos priorités. Et la lutte contre toutes les discriminations, notre légitime obsession. Le PS s'est élevé contre la Loi Sarkozy sur l'immigration ? Que propose concrètement votre parti ? Cette loi introduit plus de précarité et d'instabilité, avec en particulier la suppression de la possibilité de régularisation au bout de 10 ans de présence sur le territoire. Elle aboutira à augmenter le nombre de clandestins, qu'il ne sera pas possible, pour des raisons humaines, d'expulser. Déjà, le gouvernement français rencontre cette contradiction avec la difficulté qui est la sienne face aux problèmes posés par les enfants étrangers, scolarisés, dont la situation dramatique a fait naître un puissant mouvement de solidarité en France. Je suis donc favorable à une politique de régularisation sur la base de critères, comme ce fut le cas entre 1997 et 2002, et nous nous inscrivons dans une logique d'immigration partagée et non pas choisie, car c'est dans le partenariat et le dialogue avec les pays d'émigration dans le co-développement que nous trouverons les bonnes solutions pour maîtriser les flux de population. Préconisez-vous un assouplissement de la politique des visas ? Je sais l'exaspération des Algériens vis-à-vis de la politique restrictive des visas aujourd'hui. Et le caractère injuste de ces dispositions. Je souhaite donc que la France intervienne auprès des partenaires européens de l'espace Schengen pour que les contraintes appliquées aux Algériens soient aujourd'hui abrogées au regard de l'évolution positive de la situation en Algérie. Il n'y a pas de raison d'exiger plus des Algériens que de leurs voisins tunisiens ou marocains. En cas de victoire à la présidentielle de 2007, le candidat, que votre parti retiendra, appliquera-t-il la promesse non tenue de François Mitterrand faite en 1981 relative au droit de vote des étrangers aux élections locales ? Le Projet socialiste qui vient d'être adopté a inscrit de manière très claire le droit de vote des étrangers aux élections locales, après cinq ans de résidence en France. Cette promesse, longtemps différée à cause en particulier du blocage du Sénat, doit trouver son issue à l'occasion d'un référendum portant sur l'ensemble des questions institutionnelles. Je suis sûr que les Français sont prêts à cette évolution. Vous avez inscrit la diversité au PS depuis le Congrès de Dijon en mettant dans la direction du parti des Français issus de l'immigration maghrébine et plus précisément algérienne, comme Kader Arif et Faouzi Lamdoui, ainsi que des conseillers régionaux. Le PS présentera-t-il des candidats d'origine maghrébine aux législatives ? Dans quelles proportions et dans quelles circonscriptions ? Comptez-vous aller encore plus loin ? J'ai pris l'engagement d'assurer la diversité au sein du Parti socialiste. Des progrès incontestables ont été réalisés en matière de représentativité de ce qu'est la réalité de la société française. Que ça soit dans les instances du PS ou à l'occasion des élections régionales et européennes, j'ai veillé à ce que nous fassions place à tous les talents et, notamment, aux citoyens d'origine maghrébine. Nous poursuivons cet effort aujourd'hui avec les désignations des candidats aux législatives. Près de 20 circonscriptions verront des candidats, comme l'on dit, issus de l'immigration, se présenter au suffrage universel. Ce qui conduira, je l'espère, à l'élection d'une dizaine de députés dans la future Assemblée nationale. C'est une étape importante qui vient d'être franchie et il faudra poursuivre dans cette voie. Mais le Parlement français doit être aux couleurs de la France. J'allais dire aux couleurs de l'équipe de France. L'égalité active est le nouveau concept du PS ? Que signifie-t-il ? Il signifie que l'égalité doit être une volonté et pas seulement un mécanisme de redistribution fiscale ou sociale. Réparer les échecs : c'est bien, les prévenir : c'est mieux. Dans cette perspective de l'égalité active, nous nous fixons deux grands objectifs : celui de l'éducation, avec en particulier et c'est une proposition forte, un service public de la petite enfance, car l'échec scolaire se joue dès les premières années et celui de la lutte contre toutes les discriminations, de manière globale, que ce soit à l'embauche, dans la Fonction publique et aussi dans la politique nouvelle de lutte contre tous les ghettos urbains. Au sein du PS, plusieurs personnalités (Lionel Jospin, Ségolène Royal, Dominique Strauss Kahn, Jack Lang) sont candidats à la candidature à la présidentielle de 2007. Est-ce la manifestation d'ambitions personnelles ou le signe de dissonances de votre parti ? N'êtes-vous pas, vous-même, François Hollande, le candidat naturel au PS ? Je respecte toutes les ambitions et le PS est riche de nombreuses personnalités. Mais je tiens à le dire de manière très claire qu'il ne peut pas y avoir de victoire durable sans projet et sans dynamique collective. C'est ma responsabilité de faire en sorte que les socialistes soient unis, car c'est la condition du rassemblement de la gauche et de la victoire de 2007. Je n'ai quant à moi qu'une seule ambition, celle de faire prévaloir l'intérêt général. Et, c'est pourquoi je fais passer les questions de candidature derrière l'obligation qui nous est faite après le terrible échec de 2002, de faire gagner la gauche. Moi-même, je ferai connaître mon choix, en octobre prochain, mais je suis sûr que les socialistes se rassembleront tous aux côtés du candidat ou de la candidate qui sera désigné démocratiquement par nos adhérents. Une candidature unique représentant la gauche est-elle souhaitable, voire réalisable ? Ce qui est souhaitable, c'est de tirer les leçons de 2002 et de tout faire pour éviter les multiples candidatures à gauche. J'ai déjà, avec le PS, commencé à négocier avec les partis qui souhaiteront assumer ensemble la responsabilité de gouverner en 2007. Car notre succès électoral ne sera pas seulement un changement pour la France, mais aussi, je le crois pour l'Europe et pour les relations avec le Maghreb.