Les différentes conférences et activités ont pour thèmes essentiellement la jeunesse. Plus de 150 jeunes de différentes régions du pays prennent part aux activités de l'université d'été de l'association nationale Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), qui se déroule depuis jeudi dans la ville côtière de Tichy, wilaya de Béjaïa. La manifestation, qui prendra fin aujourd'hui et qui devra ressortir avec des recommandations sur plusieurs plans, a pour thème : «Pour une participation effective et active des jeunes dans la gestion des affaires publiques», et est dédiée «au peuple palestinien qui lutte pour sa liberté et à tous les peuples opprimés». Les activités, dont des conférences, des ateliers et des films-documentaires, animées des professeurs, des syndicalistes et des militants des droits de l'homme, traitent essentiellement de la thématique de la jeunesse, son rôle dans la société et son implication dans la vie politique. La première journée a été marquée par les conférences de Madjid Benchikh, professeur et ex-doyen de la faculté de droit de l'université d'Alger, et du sociologue Nacer Djabi. Intervenant en premier, Madjid Benchikh est revenu, dans une conférence intitulée «Système politique et Constitution en Algérie : essai de lecture pour comprendre», sur l'actualité relative à la révision constitutionnelle. D'emblée, le conférencier déclare que «la révision constitutionnelle est un projet qui s'inscrit dans la périphérie de la vie politique». Il défend sa thèse en expliquant que «le système politique ne tombe pas à partir d'une Constitution, mais d'un rapport de forces impliquant une société qui exerce effectivement ses libertés démocratiques». Pour étayer ses propos, le conférencier est parti, dans une rétrospective assez détaillée, sur les traces du mouvement national, rappelant les luttes internes qui minaient le FLN pour la prise du pouvoir, notamment l'été 1962, où le militaire commençait à prendre l'ascendant sur le politique. «Dès le départ, la réalité politique est différente de la Constitution et les décisions de l'Etat sont impulsées par ce qui provient d'abord du militaire, puis du politique», soutient l'orateur, ajoutant que «rien ne vient de la Constitution». De ce point de vue, M. Benchikh considère le DRS «comme le plus grand organisme politique du pays, puisqu'il est à la fois l'œil et l'aiguillon du système, et sans lui, celui-ci deviendra aveugle». Selon le conférencier, c'est à la lumière de cet ensemble qu'il faut lire la réalité de la guerre de Libération nationale à nos jours, de même qu'«il ne faut pas faire de la révision constitutionnelle un événement majeur, puisque le régime s'en sert pour détourner l'attention de la politique réelle pratiquée, et que tout ce qu'il met en avant dans son projet, par ailleurs revendiqué par l'opposition, est déjà consacré depuis longtemps, mais jamais opérant, comme le sont la séparation des pouvoirs et l'autonomie de la justice». «La jeunesse et le renouvellement d'élite en Algérie» est l'intitulé de la conférence du sociologue Nacer Djabi, qui y traite la question générationnelle en rapport avec le monde politique. Le sociologue commence par donner le chiffre désastreux de seulement 2% de jeunes adhérents dans des partis politiques, puis se pose la question «pourquoi de cette triste réalité», d'autant que «la transition démocratique ne saura se faire sans la jeunesse» a-t-il dit. Pour lui, le problème est démographique et lié aux générations. Se servant de la théorie du sociologue allemand Karl Mannheim, le Moment générationnel, pour comprendre la carte sociologique et générationnelle de l'Algérie, Nacer Djabi distingue trois générations, dont la première, celle de 1954 qui a libéré le pays du colonialisme, «a trop duré dans le pouvoir et fermé politiquement toutes les portes aux deux générations ultérieures». La deuxième génération, selon le conférencier, est majoritairement issue de la classe moyenne et constituée de cadres, de directeurs... «Cette génération, qui a une relation bizarre avec la première et qui s'est embourgeoisée, n'arrive pas à tuer le père et ne croit pas en ses capacités de gestion des affaires politiques, n'étant formée qu'en gestion administrative.» La troisième génération est, quant à elle, celle «qui ne croit pas aux valeurs du nationalisme prônées par la première génération et est, d'ailleurs, entrée à maintes reprises en confrontation avec elle (1988, 1992)», soutient l'orateur. Par contre, cette génération entretient une bonne relation avec la deuxième et voit en elle le «boss», a expliqué Nacer Djabi, pour qui deux scénarios sont possibles, l'un optimiste, l'autre pessimiste, dans l'évolution du processus politique en Algérie. Le premier préfigure une transition pacifique, par l'organisation du départ de la première génération, qui cédera le pourvoir à la deuxième génération, ce après quoi on procédera au renforcement des institutions de l'Etat. Le deuxième scénario, violent, augure une confrontation dans la rue, et non dans les institutions. C'est là que la troisième génération, dépolitisée, entre en jeu. Pour le sociologue, l'issue pourrait être positive pour peu que la rente, qui est actuellement utilisée pour se maintenir, soit réorientée pour opérer la transition. Il conclut par un appel à la jeunesse qui doit s'investir en politique et chasser de son esprit les échecs passés pour rebondir.