Quand il s'agit de la tripartite, le problème se pose aussi en termes de partenaires sociaux choisis pour y prendre part. Les gouvernements qui se sont succédé ont toujours reconnu l'UGTA comme l'unique interlocuteur représentant des travailleurs à l'occasion de ces rencontres, écartant d'emblée l'ensemble des syndicats autonomes. Mais, pour la Centrale syndicale cela se justifie parfaitement. Amar Takjout, de la Fédération nationale des travailleurs du textile et cuirs, l'explique par deux facteurs. En premier lieu, la représentativité de ces syndicats autonomes dans les secteurs économiques qui fait défaut, alors que la tripartite est surtout d'ordre économique. «Ce ne sont pas des fédérations, mais des syndicats de corporation qui font leur travail certes, mais c'est un dialogue qui ne les concerne pas», dit-il, en citant notamment les dossiers du foncier, du code de l'investissement, de la dépénalisation de l'acte de gestion qui n'ont rien à voir avec l'objet des syndicats de l'Education ou des praticiens de la Santé. Pourtant, certains des dossiers à l'ordre du jour de la tripartite sont bel et bien à caractère social, à l'image du 87 bis et du nouveau code du travail. Dans ce cas, M. Takjout estime que les syndicats autonomes devraient en débatte avec le gouvernement dans le cadre de bipartites. Pour Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé, si les syndicats autonomes manquent de représentativité dans le secteur économique, c'est surtout parce que les syndicats autonomes qui essayent de s'organiser dans ce secteur «sont bâillonnés et réprimés pour qu'ils ne puissent pas s'installer dans le secteur économique.» Au quotidien, «les pouvoir publics ne reconnaissent pas les syndicats autonomes, sinon sur papier, pour faire valoir une pluralité syndicale», dit-il. En second lieu, M. Takjout met en cause l'unité de ces syndicats autonomes. «Comment pourront-ils négocier s'ils ne sont pas capables de s'unifier ?» s'interroge-t-il. Pour lui, l'UGTA représente «tous les travailleurs dans tous les secteurs confondus». Le docteur Merabet voit en revanche dans la multiplicité des syndicats autonomes un bienfait pour tous les corps de métier, à l'image de ce qui se fait ailleurs dans le monde. Par ailleurs, se demande M. Merabet, «pourquoi accepte-t-on plusieurs représentants du patronat et seulement un seul syndicat de travailleurs adossé aux politiques de l'Etat ?» Dans la configuration actuelle, «on ne voit pas où est le partenaire social qui représente les intérêts des travailleurs». Par ailleurs, le véritable pacte économique et social dont on parle «ne peut pas se faire dans l'exclusion parce qu'on met de côté un pan entier de travailleurs représentés par ces syndicats autonomes». La centrale syndicale est accusée de tirer les dividendes des actions de protestation et des revendications brandies à longueur d'année par les syndicats autonomes. Quant au SNMG qui a été revalorisé à plusieurs reprises lors des précédentes tripartites, on estime que cet acquis ne peut être mis sur le compte de l'UGTA du fait qu'il relève des prérogatives du gouvernement. Entre la Centrale syndicale et les syndicats autonomes, la guerre de légitimité n'est pas terminée.