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Sans le savoir profane de la famille, l'activité des médecins serait plus compliquée Mohamed Mebtoul. Sociologue, professeur à l'université d'Oran, directeur du Groupe de recherche en anthropologie de la santé (GRAS).
-A votre avis, pourquoi le sociologue accorde un intérêt certain au malade et à ses proches ? La maladie représente pour le médecin une réalité décrite, expliquée et traitée. Or, pour le sociologue, la maladie chronique est vécue comme un événement complexe. C'est une rupture avec toute l'organisation intérieure, c'est-à-dire : l'organisation familiale se retrouve perturbée par la survenue de la maladie chronique. La famille va alors demander le soutien de telle ou telle personne, courir chez tel médecin ou tel autre. C'est cette complexité de la maladie qui impose la prise en considération de la notion de trajectoire. Il est important de retracer l'histoire pas simplement de la maladie elle-même, mais également du malade. En effet, le patient possède une identité brisée à travers laquelle il cherche la raison de sa maladie et tente de reconstruire une autre image positive de sa vie. Cependant, ce changement aspiré par le malade ne peut se faire sans la présence de la famille qui dispose d'un savoir d'expériences important pour garantir une meilleure prise en charge. -Comment la famille contribue-t-elle à la production des soins ? La famille possède un savoir profane extrêmement important. Ce savoir impose son rôle dans la société comme un acteur producteur de soins. En effet, il existe trois éléments qui expliquent le processus décisionnel au sein de la famille, c'est-à-dire la raison pour laquelle la famille décide de se rendre à l'hôpital, chez le médecin privé ou dans une clinique : en premier lieu, la famille a une représentation sociale de la maladie, à l'aide de son savoir «profane», elle hiérarchise la maladie du patient. On oublie que la famille est le premier élément qui vit le problème. Les interprétations sur la maladie, les premiers soins et les décisions de recours aux soins s'élaborent d'abord dans l'espace familial. En second lieu, il y a le rapport de pouvoir qui existe au sein de la famille. Celle-ci va décider de la forme de la prise en charge ou du recours à des soins thérapeutiques. En fait, il faut savoir que la mère est l'élément déterminant dans le choix du traitement. C'est généralement elle qui provoque la décision et c'est le père qui suivra avec l'investissement. Troisièmement et enfin, le coût et la proximité. Là, il s'agit du prix raisonnable des frais médicaux, d'une pratique efficace des achats et de la disponibilité des services de proximité, l'ensemble favorisant la bonne gouvernance du traitement. Sans ce travail de soin profane, l'activité des professionnels serait plus compliquée. Sans l'observation des symptômes du patient par la famille, l'activité des médecins serait rendue difficile voire impossible. Sans ce travail de proximité pendant la convalescence, les séjours hospitaliers seraient beaucoup plus longs.