«Sur la guerre d'Algérie l'histoire a fait son chemin, mais pas encore au point de faire converger les mémoires». C'est le double enseignement d'un sondage réalisé par l'Ifop pour Le Monde et la fondation Jean Jaurès. Soixante-huit pour cent des personnes interrogées estiment que l'indépendance «a été plutôt une bonne chose pour l'Algérie», tandis que 65% affirment qu' «elle a été plutôt une bonne chose pour la France». La même question posée par l'Ifop en 1972 n'avait pas donné les mêmes résultats : à l'époque, à peine plus d'un Français sur deux estimait que l'indépendance avait été «plutôt une bonne chose pour chacun des deux pays», relève Le Monde dans son édition datée du 31 octobre 2014. Toutefois, l'enquête — menée auprès de 2002 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus, sur internet du 22 au 25 octobre 2014 —, relève encore Le Monde, «met en lumière le poids des appartenances politiques dans le regard sur la guerre d'Algérie». Ainsi, pour les sympathisants du PS (62%), c'est «une guerre de libération pour un peuple colonisé», alors que 44% des sympathisants de l'UMP et 38% du FN donnent la même réponse. Les personnes interrogées qui se disent proches de l'UMP et du FN sont, par contre, plus nombreuses à associer la guerre de Libération nationale de l'Algérie à l'arrivée des pieds-noirs (62% pour l'UMP, 68% FN et 53 % pour le PS). «Le recours à la torture par l'armée française» est nettement plus cité à gauche qu'à droite. «Les attentats du FLN» sont plus cités à droite et à l'extrême-droite ou «le retour du général de Gaulle» davantage cité par les sympathisants de l'UMP. A gauche, seul un Français sur deux estime que, depuis l'indépendance, «la France s'est bien comportée envers le peuple algérien» et «les Français issus de l'immigration algérienne», alors que cette opinion est nettement majoritaire à droite. Seule la question des harkis fait consensus : à droite comme à gauche, plus de deux personnes interrogées sur trois estiment que «la France s'est plutôt mal comportée à leur égard». Quant à la frustration manifestée par les personnes interrogées, elle porte sur «la place accordée à la guerre d'Algérie dans l'espace public». Si dans les médias cette place est jugée «suffisante» par 43% des personnes interrogées et insuffisante par 37% d'entre elles, à l'école, en revanche, 54% des personnes interrogées estiment qu' «on n'en parle pas assez». «Soixante ans après ce 1er Novembre 1954 qui vit ‘‘ les fils de la Toussaint'' déclencher ce qui allait devenir une guerre d'indépendance, plus d'un demi-siècle après les accords d'Evian, qui y mirent un terme en 1962, la guerre d'Algérie est-elle en passe de quitter le terrain douloureux du deuil et de la mémoire pour s'engager sur celui de l'Histoire ?», s'interroge Le Monde, à l'appui de ce sondage, dans son éditorial (daté du 31 octobre. Dans la même édition, l'historien Mohamed Harbi considère que «jusqu'à ces dernières années, le débat a été faussé : simplifié à l'extrême, il a opposé le plus souvent les partisans de la colonisation et les nationalistes. Aujourd'hui, on sort de ce manichéisme. On commence à s'intéresser sérieusement à l'étude de la période post-coloniale, ce qui permet de voir les Algériens à l'œuvre, et place ces derniers face à eux-mêmes».