Les crises économiques favorisent le repli : c'est une réalité vérifiée sous de nombreuses latitudes et que vient rappeler brutalement un sondage réalisé en France et dont il ressort que les immigrés en sont le bouc-émissaire. En effet, le sentiment anti-musulman progresse fortement dans l'Hexagone et la hausse des “indicateurs de racisme" est “préoccupante". C'est le cri d'alarme de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) dans son rapport annuel sur le "Racisme, l'antisémitisme et la xénophobie en France". Le constat se base sur des données établies à partir de plaintes comptabilisées au ministère de l'Intérieur, corroborées par un sondage de l'institut CSA. “Pour la troisième année consécutive", la CNCDH constate que “les indicateurs de racisme sont en hausse, que l'intolérance augmente. Le phénomène s'ancre dans la durée, et cette évolution est particulièrement préoccupante", écrit la commission. Son rapport souligne une “augmentation toujours plus marquée de la méfiance à l'égard des musulmans" et “un rejet croissant des étrangers, perçus de plus en plus comme des parasites, voire comme une menace". Ce qui est inquiétant c'est que le sentiment concerne “de plus en plus la France de gauche". C'est le choc de la crise. 55% des personnes interrogées estiment en effet que les musulmans forment un groupe à part dans la société (+4 points par rapport à 2011 et +11 points par rapport à 2009) et 69% des personnes déclarent qu' “il y a trop d'immigrés aujourd'hui en France", soit +10 points par rapport à 2011 et +22 points par rapport à 2009. “Il y a une mauvaise perception de la religion musulmane, qui menacerait un modèle social en difficulté et la laïcité comme élément de l'identité française", analyse Emmanuel Rivière, directeur d'opinion de TNS Sofres qui a réalisé une enquête approfondie auprès de 38 personnes pour ce rapport. Un autre sondage, publié hier, révèle que les Français, à une écrasante majorité (84%), sont opposés au port du voile par des femmes travaillant dans des lieux privés accueillant du public (commerces, supermarchés, cabinets médicaux, crèches, écoles privées). Ce sondage de l'institut IFOP a été réalisé du 19 au 21 mars, après l'annulation par la Cour de cassation du licenciement d'une employée de crèche privée. La plus haute juridiction française a rappelé, par cette décision, la distinction qui était opérée dans le droit, conformément à la philosophie du modèle français de laïcité, entre l'espace public d'Etat (et les services publics qui en dépendent) et le secteur privé. Selon le sondage de l'Ifop, “tout se passe donc comme si la distinction juridique entre espace public et lieu privé accueillant du public, rappelée par la Cour de cassation n'était pas opérante ou pertinente pour une écrasante majorité de la population". Ainsi, 84% des personnes interrogées sont opposées au port du voile ou du foulard islamique dans des lieux privés accueillant du public. Seules 12 % se montrent indifférentes et 4% favorables. L'opposition au port du voile dans des commerces, crèches ou cabinets médicaux, “transcende les clivages politiques". Si 98% des sympathisants du FN et 92% de ceux de l'UMP sont sur cette position, elle est également partagée par 77% des proches de la gauche, au sein desquels ceux qui n'y sont pas opposés ne sont pas tant favorables (7%) qu'indifférents (16%). L'Ifop relève que ces chiffres, “très tranchés, sont quasi identiques à ce que nous mesurions en octobre dernier concernant le port du voile ou du foulard dans les classes d'écoles publiques, auquel 89% des personnes interrogées étaient opposées", et nettement supérieurs à ceux qui concernaient alors leur port dans la rue (“seulement" 63% d'opposés en octobre). De la même façon, les écarts sont inexistants entre hommes et femmes (84% d'opposés dans les deux cas) et peu marqués selon les générations (76% parmi les moins de 35 ans contre 86% auprès des 65 ans et plus) ou les catégories sociales (82% d'opposés parmi les CSP+ contre 87% dans les milieux populaires). “L'opinion publique est donc dans ses multiples composantes très majoritairement en demande d'une conception beaucoup plus ‘offensive' du principe de laïcité à la française", conclut le sondage. A. O