L'Artiste des immortels, c'est l'intitulé d'un documentaire réalisé par Belkacem Haouchine et consacré exclusivement aux victimes connues ou anonymes de la décennie noire. Ce film de 52 mn sera projeté aujourd'hui mardi en avant-première au siège d'El Djoumhouria. Pour mieux unir les victimes venant d'horizons et de catégories sociales divers, le réalisateur installé à Kenadsa a opté pour l'intervention d'un artiste mais pas n'importe lequel. Originaire de cette localité située près de Béchar, l'artiste Abbi a l'habitude de réaliser des images avec le sable du désert. « Quand je l'ai vu exécuter le portrait de Hasni, j'étais en même temps très touché mais une idée a tout de suite germé dans ma tête, lui demander de réaliser des portraits de nombre de martyrs de cette terrible période de l'histoire de l'Algérie », raconte Haouchine, rencontré à Oran la veille de la présentation de son film dont il venait juste de terminer le montage. L'intervention d'un artiste usant des matériaux du Grand Sud, une région à laquelle il y est attaché, et la portée symbolique nationale des thèmes abordés est l'une des particularités de ce réalisateur qui tend à faire plus particulièrement de Kenadsa un lieu mythique, une ambition déjà affichée dans ces films précédents. « Je veux bien réaliser tous les portraits possibles, mais j'ai besoin de photos », lui a répondu l'artiste peintre. Par le biais de contacts pris avec le monde de la presse pour les personnalités célèbres mais aussi avec des familles anonymes ayant perdu un des leurs, les deux associés ont pu constituer une banque d'images. Haouchine filme l'artiste en train de réaliser divers portraits d'hommes politiques ou de culture, des journalistes, des policiers, des gendarmes, des militaires, etc. « L'image la plus symbolique du film est quand je montre les tombes avec les portraits qui s'en détachent comme si tous ces personnages ressuscitaient... », confie le réalisateur qui a pensé à l'équilibre régional en choisissant, dit-il, un chanteur de l'Ouest, Hasni, du Centre Matoub et de l'Est Aziz. Un hommage particulier sera également rendu à « Belkaïd, un homme politique remarquable, un nationaliste comme pas deux et que la mémoire ne doit pas occulter », atteste-t-il en outre pour mieux mettre l'accent sur cet aspect de la « tragédie nationale ». Le choix du siège d'El Djoumhouria permet par la même occasion l'évocation de Djamel Eddine Zaiter et Bakhti Benouda. Son film se termine avec l'image et le dicton (Tu dis je meurs, tu ne dis pas je meurs, alors...) rendu célèbre par Tahar Djaout. Belkacem Haouchine a en outre terminé le tournage de deux autres films, l'un en tamazight ( VO) consacré à une peuplade d'une localité de Béchar et l'autre à Charles-Eugène, vicomte de Foucould. A propos de ce dernier, le réalisateur pense que ni Mammeri ni Salim Chaker, le spécialiste linguiste, ne lui ont rendu l'hommage qu'il mérite malgré le leg important (dictionnaire berbère-français et berbère-arabe) qu'il a laissé et qui ont sans doute servi aux deux chercheurs. Le film qui lui est consacré retrace son parcours depuis sa conversion à l'église Saint-Augustin à Paris jusqu'à Tamanrasset où il s'est installé jusqu'à sa mort (assassiné).