«Le révisionnisme, c'est l'attitude de ceux qui remettent en cause les bases fondamentales d'une doctrine». (Larousse, Robert) Le révisionnisme en histoire, c'est la recherche de la vérité historique. L'ignorance de cette vérité est des plus étranges chez les journalistes, encore plus chez des enseignants et des chercheurs censés être mieux informés. Le révisionnisme historique est la hantise de tous les pouvoirs et le casse-tête de nombreux historiens. Le premier révisionniste est sans conteste Herodote (420-484 av J.-C.) qui affirma que «la première leçon de l'histoire, c'est de ne pas dire ce qui est faux, la seconde c'est oser dire ce qui est vrai», le second est Abu Zaïd Abbderahmane Ibn Khaldoun (1332-1406) pour qui «l'histoire se caractérise par la réflexion et la vérification des faits, la connaissance profonde de la manière dont les événements se sont passés et la connaissance de leur cause…» (les Prolégomènes). Considérant que la presse est un peu le livre du citoyen, nous avons pensé éclairer le lecteur sur le révisionnisme en histoire qui a gagné ses lettres de noblesse voici près d'un siècle. Le plus célèbre des historiens révisionnistes est l'Américain Harry Elmer Barnes à propos duquel fut employé pour la première fois cette épithète de «Révisionniste» consacré aujourd'hui dans l'histoire de la critique historique. Notre contribution, qui découle d'une étude parue en 1981 dans la revue Défense de l'Occident inspirée d'un article de Dankwart Kluge paru dans une revue scientifique allemande, est consacrée à Harry Elmer Barnes. «L'étude scrupuleuse des sources» A la fin de la Première Guerre mondiale, écrit Dankwart Kluge, la conscience historique avait déjà chancelé sérieusement. La propagande politique s'était déchaînée. La recherche impartiale était devenue indésirable. Le devoir de l'historien devait être de montrer la «légitimité» de l'attitude des Alliés, c'est-à-dire de confirmer par leurs recherches les conceptions opportunistes du moment. Aussi, comme il était indiqué expressément dans le traité de Versailles, il était important de rejeter sur l'Allemagne seule la responsabilité entière du déclenchement de la Guerre mondiale. La qualité de l'argumentation avait peu d'importance, on ne s'occupait que du résultat. Lloyd George avait clairement indiqué le principe qu'on devait suivre : «Pour les Alliés, la responsabilité allemande dans la guerre est fondamentale. C'est la base sur laquelle a été fondé tout l'édifice du Traité de paix.»(3) Contre cette conception se dressèrent d'abord aux Etats-Unis au commencement des années 1920 quelques historiens impartiaux auxquels plus tard on donna justement ce nom de «révisionnistes». C'est à eux qu'il fut donné de reconstituer les principes oubliés jusque-là de la conscience historique. Leur instrument fut l'étude scrupuleuse des sources et une volonté indomptable d'arriver à faire triompher la vérité. Les principaux d'entre eux furent, aux Etats-Unis, Sidney Bardshaw Fay, Walter Millis Gratton et par-dessus tout les deux plus connus d'entre eux, Charles Beard et Harry Barnes qui prirent rapidement la tête de ce peloton de nouveaux historiens. La première tâche de Barnes fut de démolir la légende du soi-disant Conseil du Grand état-major allemand du 5 juillet 1914. Tous les historiens affirmaient alors que c'était ce jour-là que l'empereur Guillaume II, avec quelques-uns de ses conseillers les plus intimes, avait décidé de lancer l'Europe dans la guerre. Barnes prouva que la plupart des soi-disant participants à ce conseil de guerre ne pouvaient absolument pas se trouver à Berlin ce jour-là et il conclut son enquête en rappelant l'aveu du président de la République française, Raymond Poincaré : «Je ne prétends nullement que l'Allemagne et l'Autriche avaient pendant cette première phase l'intention consciente de provoquer une guerre générale. Il n'existe aucun document qui nous donne le droit de présumer qu'à cette date il existait un plan systématiquement prémédité.» Barnes n'hésita pas à caractériser la politique française précédant la guerre comme dirigée principalement vers la revanche à l'égard de l'Allemagne. Il produisit à cet égard deux documents importants. 1)- L'ambassadeur de Belgique en France, le baron Guillaume, en janvier 1914, avertissait son gouvernement en ces termes : «J'ai eu déjà l'honneur de vous communiquer que MM. Poincaré, Delcassé, Millerand et leurs amis sont ceux qui ont déchaîné et entretenu une politique nationaliste, militariste et chauviniste dont nous constatons aujourd'hui le réveil. Il existe aujourd'hui un danger pour l'Europe et la Belgique. Je vois dans cette tendance le danger le plus grave qui menace aujourd'hui la paix européenne.» 2)- Le président Poincaré, le 29 juillet 1914, répondait à la question : «Croyez-vous, Monsieur le Président, que la guerre puisse être évitée ?» «Ce serait regrettable, répondit-il, car nous ne trouverons jamais de circonstances plus favorables.» «L'attaque de l'Allemagne par l'Angleterre et les Etats-Unis» Barnes ajoutait que l'Angleterre n'était nullement entrée en guerre à cause de la violation de la neutralité belge. En témoin principal à cet égard était le ministre des Affaires étrangères britannique, Sir Edward Grey : celui-ci nous dit en effet dans ses mémoires que même sans la violation de la neutralité belge, il aurait fait tous ses efforts pour entraîner l'Angleterre dans la guerre et que certainement il aurait donné sa démission s'il n'avait pas réussi à le faire. Et, à l'appui de cette confidence, Barnes citait l'historien anglais Conybeare qui lui avait confié après la guerre : «Grey s'est conduit incontestablement dans les semaines qui ont précédé la guerre comme un hypocrite, comme il l'avait été dans les huit années précédentes. Nous avons attaqué l'Allemagne pour trois raisons. 1)- Pour démolir sa flotte avant qu'elle ne devienne plus grande et plus redoutable. 2)- Pour s'emparer de son commerce international à sa place. 3)- Pour lui dérober ses colonies.» Barnes fut par ailleurs particulièrement sévère à l'égard de la politique américaine. Ce n'était pas, affirmait-t-il, l'usage illimité des sous-marins par les Allemands qui fut la véritable cause de l'entrée en guerre des Etats-Unis. Les questions financières furent essentielles et ce sont elles qui emportèrent la décision : «C'est, affirma-t-il, sur les chances des puissances alliées en une victoire finale et sur leur capacité à traîner la guerre en longueur que reposait en très grande partie la masse des profits de guerre américains et la probabilité que les puissances de l'Entente puissent payer les marchandises qu'elles avaient achetées aux Etats-Unis». Ce point de vue est conforme aux instructions que donnait le président des Etats-Unis Wilson à son envoyé, le colonel House, dépêché auprès de Lord Grey. «Les Etats-Unis expriment le vœu que la Grande-Bretagne fasse tout ce qui est possible pour aider les Etats-Unis à se trouver un jour aux côtés des Alliés.»(9) Dès le mois d'avril 1916, le président des Etats-Unis avait annoncé son intention de jeter les Etats-Unis dans la guerre aux côtés des Alliés aussitôt que possible. Il n'avait pas hésité à brandir la menace et à déclarer que quiconque essaierait de contrecarrer cette politique serait politiquement pulvérisé avant qu'il ait eu le temps de prononcer une seule parole. Barnes a apporté une contribution essentielle pour montrer l'absurdité du préambule du Traité de Versailles qui rejetait sur l'Allemagne seule la responsabilité de la guerre. Les preuves qu'il a apportées ne sont plus contestées aujourd'hui par personne. Puisque Poincaré et Wilson en particulier n'ont pas caché leur désir de cette guerre, ils sont sans doute également responsables de la catastrophe. Au milieu des années 1930, les informations des révisionnistes étaient répandues à travers le monde entier. En France, Barnes eut pour disciple George Damartial et Alfred Fabre-Luce ; en Angleterre, E. D. Morel, Robinson et Durham ; en Allemagne, Montgelas, Draeger, Alfred Von Wegerer et d'autres encore. Aucun ouvrage historique à partir de cette date ne se permettait d'ignorer les découvertes du professeur Barnes. George Peabody Gooch, porte-parole du bureau britannique des archives concernant la Première Guerre mondiale et autorité indiscutée dans le domaine de l'histoire diplomatique, donnait l'appréciation suivante sur les travaux du grand chercheur américain : «Aucun autre Américain n'a fait autant que le professeur Barnes pour familiariser ses compatriotes avec les documents nouveaux qui ont été accumulés au cours des dernières années et pour les obliger à réformer leur jugement du temps de guerre à la lumière de ce nouveau matériel.» «Le vainqueur a toujours raison» La Deuxième Guerre mondiale fit voler en éclats tous les principes de la recherche historique scientifique. Ce que les Révisionnistes dans les vingt ans qui avaient séparé les deux guerres avaient élaboré avec tant de peine était maintenant entièrement détruit. Sous le mot d'ordre «le vainqueur a toujours raison», commença une véritable chasse aux sorcières contre ceux qui avaient l'audace de s'opposer aux conceptions officielles. Interdiction, révocation, prison même devinrent des sanctions auxquelles il fallait s'attendre. Le lavage des cerveaux atteignit des proportions extraordinaires. Et de nouveau, ce fut Barnes qui, se souciant peu des inconvénients qui pouvaient en résulter pour sa carrière, entra courageusement en scène. Après que Beard et Tansil eurent accumulé les accusations les plus graves contre Roosevelt au sujet de l'entrée en guerre des Etats-Unis, Barnes eut l'audace, en ce qui concerne la politique européenne, de mettre au jour les constatations objectives qui établissaient que la catastrophe de 1939 était presque exclusivement due à l'action du gouvernement anglais qui avait, aussi bien dans la crise germano-polonaise que dans le déclenchement de la guerre européenne, une responsabilité presque totale. Lord Halifax, ministre des Affaires étrangères britannique, et Sir Howard Kennard, l'ambassadeur britannique à Varsovie, furent beaucoup plus responsables de la Guerre mondiale de 1939 que Sasonow, Iswolski et Poincaré de celle de 1914.(12) Sur la politique allemande de déclenchement de la guerre, Barnes émit le jugement suivant : «Hitler s'efforça pendant toute la crise du mois d'août 1939 d'éviter la guerre beaucoup plus que le Kaiser pendant la crise de juillet 1914.»(13) La tactique des historiens officiels fut très différente de celle qu'ils avaient observée dans les années 1920. Au lieu de contredire Barnes, ils essayèrent de l'ensevelir sous un silence total. La tactique avait changé, mais le but était demeuré le même. Barnes appelait ces manœuvres une tentative d'obscurcissement de l'histoire et nommait ces historiens falsificateurs des «historiens de Sa Majesté». Ces historiens, sous le fouet des magnats de la presse et de l'édition, écrivaient ce qu'on leur demandait d'écrire et non ce qu'eux-mêmes regardaient comme exact d'après leurs recherches. Ce reproche que Barnes leur adressait ne peut être contredit, car il est incompréhensible de comprendre pourquoi un matériel historique décisif — en particulier en ce qui concerne l'attitude de l'Allemagne — n'a jamais pu être mis au jour officiellement. Il s'agit en particulier du journal de Forrestal, le secrétaire d'Etat à la guerre des Etats-Unis, du journal de Szembek, des mémoires de Sven Hedins, des télégrammes du consul d'Allemagne en Pologne, et enfin du document suggestif, le rapport Potocki. Aucun des historiens anglais les plus réputés, ni Langer ni Gleason, dont le livre The Chalange to isolation est considéré comme un classique en la matière, ne semblent jamais avoir entendu parler de ce document capital. Le professeur Hofer, leur collègue allemand, le signale en une ligne dans son index des sources, mais se garde d'en donner la reproduction. Ce compte rendu du diplomate polonais, dont l'authenticité est aujourd'hui amplement démontrée, est capital pour établir que Roosevelt avait consciemment la volonté de faire naître une guerre avec l'Allemagne. C'est le 12 janvier 1939, huit mois avant les événements, que le comte Potocki, ambassadeur de Pologne aux Etats-Unis, écrivait à son ministre des Affaires étrangères : «Le président Roosevelt est le premier qui a exprimé publiquement sa haine du fascisme. Il poursuit par là un double but : 1)- Il veut détourner l'attention de l'opinion américaine des problèmes de politique intérieure et avant tout du problème des classes entre le capital et le travail. 2)- Grâce à la création d'un esprit de guerre et le bruit qu'un danger terrible menace l'Europe, il veut amener l'opinion américaine à approuver l'énorme programme de réarmement des Etats-Unis, quoique celui-ci dépasse extraordinairement les besoins militaires des Etats-Unis… La méthode est alors très simple : on doit, d'une part, représenter avec force le danger d'une guerre mondiale qui, à cause du chancelier Hitler, menacerait l'univers entier. D'autre part, il faut inventer un fantôme, la menace d'une attaque des Etats totalitaires contre les Etats-Unis eux-mêmes.»(14) Barnes renvoyait expressément à ce document. Il y ajoutait, comme preuve supplémentaire de la responsabilité des Alliés, l'aveu de Chamberlain, ministre des Affaires étrangères de l'Angleterre qui, après l'éclatement des hostilités en Europe, avait déclaré : «C'est l'Amérique et la puissance juive mondiale qui ont lancé l'Angleterre dans la guerre.» Finalement, il citait encore l'opinion de l'ambassadeur des Etats-Unis en Angleterre, Joseph Kennedy, qui avait très clairement constaté : «Ni les Français ni les Anglais n'auraient poussé la Pologne à la guerre s'il n'y avait pas eu l'aiguillon constatant de Washington derrière eux».(16) Bien que Barnes ait, sans se décourager, maintenu ses conclusions et continué ses recherches, la brèche ne se produisit pas sur le moment. C'est seulement en 1961, lorsque le professeur David Hoggan publia Der Erzwungene Krieg (La carte forcée de la guerre), qui jusqu'à présent a eu 11 éditions successives, que le rideau commença seulement à se déchirer. La question de la responsabilité de la guerre cessa d'être un sujet tabou, elle fut à nouveau mise en discussion. Hoggan avait brisé la conspiration du silence. Barnes l'appuya autant qu'il le pouvait. Il utilisa son autorité considérable pour aider la diffusion de Der Erzwungene Krieg. Le succès ne répondit pas complètement à cette attente. La voix des historiens révisionnistes n'est pas encore parvenue jusqu'au grand public, mais déjà les historiens de Sa Majesté sont en recul. Une nouvelle génération d'historiens s'avance maintenant et s'engage, dans un temps où la propagande étend sur le monde entier un sceptre tout-puissant, d'avoir montré le chemin de l'honnêteté et de la vérité. Barnes n'a jamais entrepris de justifier la politique d'Hitler ni les positions dogmatiques sur le terrain historique. L'avenir reconnaîtra plus tard le courage du vieil historien qui s'est éteint en août 1968. S'il y a plus tard un avenir pour la vérité, il passera pour le représentant le plus authentique et le plus vénérable de l'honnêteté historique. Henri Elmer Barnes est l'un des auteurs étrangers dont les autorités allemandes se sont efforcées d'interdire et d'en empêcher la traduction par des éditeurs allemands. La vérité historique n'est pas toujours aussi simple que celle de la présentation qui en est faite par les historiens de service ou par la propagande. Benjamain Stora, historien de Marianne se permet, c'est son droit et c'est sa mission, de parler d'histoire commune franco-algérienne(17) ; seulement la réalité est que son histoire est celle d'un pays colonisateur qui a pratiqué les politiques de la terre brûlée, du cantonnement, du refoulement des enfers, des génocides, de réduction de l'Algérien à l'état de sujet, quand ce n'était pas à l'état d'esclave déguisé et même de cobaye, comme lors des essais atomiques dans le sud-ouest du pays. Les traumatismes vécus pendant 132 ans par les Algériens ne sont en rien comparables aux traumatismes des tenants de l'Algérie française ! Ce qui est choquant et indécent, c'est la tribune offerte à cet historien qui se permet de vouloir nous donner des leçons à la Kouchner et qui affirme que notre jeunesse veut en finir avec «la guerre des mémoires». La France a sa mémoire, l'Algérie a la sienne qu'elle continue toujours à récupérer tant bien que mal. La jeunesse algérienne est comme toutes les jeunesses du monde, elle veut s'épanouir, vivre son temps, c'est tout ! On n'a jamais vu la presse française accorder autant de crédit à un Belkacem Saâd Allah, comme la nôtre en accorde à cet historien.