Dans cet entretien, Faouzi Malem, ingénieur et expert consultant en travaux publics, analyse les causes à l'origine des malfaçons et des retards enregistrés dans le projet de l'autoroute Est-Ouest. -Comment expliquez-vous les malfaçons dans les différents tronçons de l'autoroute Est-Ouest ? Les causes probables de la mauvaise qualité des travaux réalisés du projet de l'autoroute Est-Ouest proviennent techniquement d'une mauvaise évaluation technique du projet, le maître de l'ouvrage qui est le ministère des Travaux publics, avec le maître de l'ouvrage délégué qui est l'Agence nationales des autoroutes (ANA), à l'amont, ont déjà basé le coût du projet sur des évaluations technico-financières qui n'étaient pas très précises, les enveloppes financières allouées à ce projet étaient donc insuffisantes à cause des «Surprises» rencontrées par le concepteur et par les entreprises de réalisation qui étaient contraints de favoriser les limites des enveloppes financières à ne pas dépasser au détriment de la qualité des travaux. Je citerai aussi la méthode de conception adoptée (autoroute, routes, et ouvrages d'art). Je m'explique : certaines entreprises qui sont intervenues sur ce projet ont travaillé sans documents d'exécution approuvés par le maître de l'ouvrage délégué et les bureaux de contrôle et de suivi. Ce qui a fait que cette insuffisance technique a produit des travaux loin des normes voulues. On peut évoquer dans ce cadre également le type d'entreprise de réalisation. Certaines entreprises décrochent les projets et remportent des soumissions sans être forcément aptes à ce genre de travaux, s'ajoutent à tout cela les travaux de sous-traitance qui ont vraiment nui à la qualité des travaux. La qualité des matériaux de constructions utilisés dans la réalisation de ces projets est l'autre facteur qui est la cause des malfaçons. Généralement, les entreprises utilisent des matériaux de très mauvaise qualité pour gagner de l'argent, bien que les contrats des travaux insistent sur la bonne qualité des matériaux et sur le contrôle strict de ces produits. On déplore vraiment l'inexistence de laboratoires nationaux dans les domaines du béton et travaux publics compétents et impartiaux qui favorisent la qualité et l'intérêt national. Enfin, il y a le suivi et le contrôle des études et des travaux de ces projets. Le maître de l'ouvrage et son délégué apparemment ne reconnaissent aucune compétence nationale. Ils se basent sur l'expertise technique des sociétés d'ingénierie étrangères qui n'ont aucune loyauté envers l'intérêt national. On voit donc que la compétence locale est écartée. Ce domaine est monopolisé, les structures nationales, qu'elles soient d'étude, de contrôle ou bien de réalisation sont souvent mises à l'écart. Mais cela s'explique. La plupart de ces structures, surtout les entreprises de réalisation, ne sont pas à la hauteur des défis posés ni en mesure de mener une adversité objective avec les opérateurs étrangers. Ce qui nécessite vraiment une attention particulière de l'Etat algérien et aussi mettre des normes efficaces quant au choix des entreprises qui peuvent réaliser ce genre de travaux. -Et pour les retards ? Comme j'ai déjà avancé, les délais sont affectés proportionnellement aux «Surprises» rencontrées par le concepteur et par les entreprises de réalisation, les ouvrages d'art se sont multipliés par rapport aux évaluations primaires, ainsi que la réalité des sols supports de l'autoroute Est-ouest qui représente parfois une autre réalité différente de celle diagnostiquée dans les études sommaires. La cadence des travaux de réalisation dépend toujours des moyens de l'entreprise de réalisation. Or, beaucoup d'entreprises déclarent (lors des soumissions) des moyens réellement inexistants et décrochent quand même les marchés de travaux. Une autre cause probable, ce sont les factures des entreprises de réalisation qui restent en instance de payement, et là on déplore la bureaucratie et l'incompétence de l'administration publique. -Qu'en est-il du suivi des projets ? Ce volet très important et déterminant dans la gestion technique des projets est assuré généralement par des opérateurs étrangers (sociétés d'ingénierie de nationalités diverses) et il ne faut pas oublier que l'administration publique dispose de ses propres structures de contrôle ; donc, si la qualité des travaux se dégrade et que les coûts des projets augmentent cela ne met pas seulement les bureaux de contrôle et de suivi dans cette responsabilité, mais aussi l'administration. En tant qu'expert du suivi et du contrôle de ce genre de projet, je dis que la majorité des bureaux de contrôle et sociétés d'ingénierie étrangères désignés pour le suivi et le contrôle fournissent un service très médiocre et que la plupart des opérateurs nationaux peuvent fournir mieux. -Quel impact sur les dépenses du secteur ? Bien sûr, l'impact des facteurs négatifs tels que l'allongement des délais d'exécution, la mauvaise qualité des travaux (et qui nécessite de refaire parfois ces travaux ou bien de les entretenir à des coûts très élevés) et la mauvaise gestion technique et administrative de ces projets, je dirais que cet impact est très évident et très négatif sur les enveloppes des projets, sur les enveloppes allouées aux opérations d'entretien, et aussi sur les enveloppes allouées au développement futur des infrastructures de transport et de communication.