Les procès des chômeurs d'Aflou s'est tenu hier au tribunal de cette ville, située à 400 km d'Alger et 110 km à l'ouest de Laghouat. Les 32 prévenus, jugés pour leur participation à rassemblement pacifique violement dispersé par les forces de police, le 29 mai dernier, devant la daïra d'Aflou, doivent patienter jusqu'au 17 décembre pour connaître le verdict du tribunal. Au terme des plaidoiries du collectif d'avocats conduit par maître Djebbari, le représentant du ministère public a requis une année de prison ferme à l'encontre des prévenus et un dédommagement d'un milliard de centimes à verser solidairement au Trésor public. Les chômeurs d'Aflou sont poursuivis pour «attroupement armé», «désobéissance», «trouble à l'ordre public» et «violence envers les agents de la force publique». Parmi eux, trois ont été placés sous contrôle judicaire au lendemain du sit-in. L'intervention musclée des forces de l'ordre, qualifiée de «terrible répression» par la section de Laghaout de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADDH) a, pour rappel, fait trois blessés parmi les manifestants dont l'un a perdu un œil. A l'origine de ce mouvement de protestation, «une promesse non tenue par les autorités locales», révèle Yacine Zaid, militant de la LADDH. En mai 2014, le wali de Laghouat promet aux chômeurs de cette localité agropastorale des emplois dans le cadre du programme «Algérie Blanche» ainsi que des parcelles de terrain destinés l'autoconstruction. «Le wali avait promis d'octroyer 80 chantiers d'entretien d'espaces urbains dans le cadre d'Algérie Blanche et autant de terrains aux jeunes de la région», indique un habitant d'Aflou. Quelques jours après, dans une ambiance conflictuelle mettant aux prises des élus de l'APC d'Aflou, le quota prévu initialement a été revu à la baisse. Promesse non tenue Les jeunes en quête d'emploi se sont vu finalement proposer une vingtaine de chantiers seulement, au lieu des 80 promis. Désillusion et colère des sans-emploi de la vallée de Djebel Amour. En réaction, ils ont occupé la rue et organisé un rassemblement pacifique devant le siège de la daïra. «La manifestation est violement dispersée. Les chômeurs sont traités de‘'voyous' et de‘'perturbateurs'», atteste Yacine Zaid. «Alors que ce sont ces mêmes personnes, qualifiées de‘'voyous', qui se sont mobilisées pour organiser les secours et collecter du sang le jour de l'accident survenu sur la route Aflou-Laghouat, faisant 16 morts et 45 blessés», fait-il remarquer. Selon lui, parmi les personnes violement réprimées, certains n'étaient que des passants. Il cite, à ce propos, le jeune Nasrallah Miloud, 26 ans, grièvement blessé lors de l'intervention des forces de l'ordre. Borgne à vie Son œil droit, atteint par une balle en caoutchouc, est irrémédiablement perdu. «J'étais de passage devant le siège de la daïra lorsque j'ai reçu le projectile en plein visage», déclare Nasrallah, joint par téléphone. «Blessé, il est resté longtemps sans soins. Son transfert à l'hôpital n'a pu se faire que 24 heures plus tard», se rappelle Yacine Zaid. Nasrallah, qui a déposé plainte contre les services de police, attend depuis cinq mois l'ouverture d'une enquête. «Ce n'est qu'hier (mardi, ndlr) que le juge d'instruction près le tribunal d'Aflou m'a convoqué pour instruire le dossier», dit-il, interloqué. Devenu borgne, Nasrallah passe, entre temps, du statut de victime à celui d'accusé. Il fait partie, en effet, des 32 prévenus qui ont comparu hier devant le tribunal d'Aflou. Depuis qu'une balle en caoutchouc l'a rendu borgne, sa situation sociale, déjà précaire, ne cesse d'empirer. «Je n'ai eu droit à aucune prise en charge ni aide depuis cet incident», se plaint-il. Dans un communiqué rendu public lundi, la LADDH condamne le recours abusif à la force publique et la répression qui s'est abattue sur jeunes d'Aflou «où les responsables locaux abusent de l'ignorance de la population pour la spolier de ses droits civiques». Nasrallah Miloud, joint hier en fin d'après-midi, affirme qu'aucun élément tangible prouvant les accusations formulées contre les chômeurs d'Aflou n'a pu être démontré lors du procès.