La coopérative théâtrale «Amsdhourar l'qariat Ath Lahcen» de Tizi Ouzou s'attaque à un gros morceau et présente Takesnan Massensen (ndlr, La tragédie de Massinissa, «Sophonisbe»). Sophonisbe, fille du général carthaginois Hasdrubal, reine de Numidie pour avoir épousé le roi Syphax serait, selon Titlive, Diodor de Sicile et d'autres historiens occidentaux, derrière une grande tragédie qui a jalonné l'histoire de la Numidie. C'est le thème choisi par Lyès Mokrab, metteur en scène au théâtre régional de Tizi Ouzou. Une tragédie traitée en 1663 par Pierre Corneille et trente ans avant lui par Mairet. La scène se passe dans le palais de Cirta où, sans partage, régnait Syphax, allié alors des Romains. Hasdrubal, général des armées carthaginoises, craignant les représailles romaines après leur défaite face aux Carthaginois, propose sa fille Sophonisbe à Syphax, promise auparavant à Massinissa, en échange de son soutien face à une éventuelle ruée des Romains contre Carthage. Scipion l'africain, général des armées romaines, épaulé de Massinissa et sa redoutable cavalerie, débarque en Afrique et inflige une défaite à Syphax. Du coup, tout ce qui appartenait à ce roi déchu, y compris sa femme, devint la propriété du peuple romain. Massinissa rentre au palais en vainqueur et rencontre Sophonisbe qui se met à genoux devant lui pour le supplier de ne pas la laisser entre les mains des Romains envers lesquels elle n'éprouve que haine et répulsion : «Donnez-moi du poison et je me suiciderai ! Mais je vous en supplie, ne me laissez pas entre leurs mains !» Un moment fort de la tragédie que le metteur en scène a omis de mettre en exergue. Dans un entretien qu'il nous a accordé, Lyès Mokrab a insisté sur le redressement de l'histoire : «Les historiens occidentaux ont réduit Syphax et Massinissa à de simples traîtres et j'ai voulu rectifier la version.» Si, selon la version des Occidentaux, Massinissa épousa Sophonisbe en cachette puis obtempère aux instructions de Scipion d'y renoncer pour choisir à la fin de lui envoyer le poison promis, le metteur en scène, lui, choisit de le pousser également au suicide afin de le laver du déshonneur. La tentative est louable, seulement elle manquait de solennité dans le jeu des comédiens, nécessaire à ce type de pièce. Le décor, par ailleurs figé et occupant le devant de la scène, nécessitait plus de profondeur tant l'espace scénique semblait étroit. Sur le plan esthétique, on doit au moins reconnaître l'effort qui a étoffé l'ambiance durant le déroulement de la pièce. Un mois et quelques jours pour le montage d'une telle œuvre nous semble insuffisant, d'autant plus que la tragédie n'est pas l'apanage du théâtre algérien de nos jours. Une pièce perfectible, doit-on conclure.