«Il est temps d'envisager une nouvelle stratégie vis-à-vis de Cuba», lançait déjà Barack Obama en 2008, lors de sa candidature à la présidence de la Maison-Blanche. Cependant, ce n'est que six ans plus tard que ce dernier décide de passer à l'acte ! «Todos somos americanos», confiant, c'est ainsi que le président américain Barack Obama a conclu son discours, tenu mercredi, où il a annoncé la rupture de plusieurs décennies marquées par les invectives anti-américaines du père de la révolution cubaine, Fidel Castro. En annonçant la reprise des relations diplomatiques avec le régime cubain à l'issue de longues négociations ultra secrètes entamées il y a 18 mois, le président américain fait un véritable coup politique et marque la fin d'un demi-siècle de tensions héritées de la guerre froide. Cependant, comme sur le réchauffement climatique ou l'immigration, Obama a clairement mis du temps à tenir sa promesse qu'il avait faite lors de sa campagne électorale en 2008 ! En effet, pour Julia E. Sweig, du centre de réflexion de Washington, l'engagement de campagne d'Obama a mis du temps à se concrétiser, et ce, pour de nombreuses raisons. Au premier rang desquelles l'arrestation, en 2009, à Cuba, de l'Américain Alan Gross, libéré mercredi. Mais l'annonce spectaculaire de cette semaine est d'abord le résultat «de deux années d'un intense travail diplomatique», entamé après la réélection d'Obama en 2012. D'après un diplomate latino-américain qui préfère garder l'anonymat, «cet accord sur la normalisation des relations n'est pas survenu du jour au lendemain. C'est un processus qui a mûri et qui doit impliquer des concessions». Selon ce dernier, Raul Castro a su faire les concessions nécessaires à ce rapprochement. Plusieurs experts et analystes estiment aussi que le régime et la gouvernance du président cubain Raul Castro fait partie des facteurs clés qui ont favorisé l'annonce de ce rapprochement aussi spectaculaire qu'historique. Depuis sa succession à son frère Fidel en 2008, Raul Castro a marqué un adoucissement dans le discours cubain à l'endroit de Washington. Une amélioration qui a laissé l'espace nécessaire au geste historique de Barack Obama. Dès son arrivée au pouvoir, il avait annoncé qu'il dialoguerait «d'égal à égal avec les Etats-Unis». Et depuis le printemps 2013, cet homme méthodique et peu disert a mené à distance des discussions secrètes sous l'égide du Canada avec des responsables américains. Pourtant, Raul était auparavant considéré comme un «dur» du régime, lorsqu'il était ministre de la Défense de son frère. Par ailleurs, ce dernier a mené une série de réformes, auparavant impensables, telles que l'ouverture partielle à l'économie de marché ou l'octroi aux citoyens de la liberté de voyager sans autorisation des autorités. Des réformes vues d'un très bon œil de l'autre côté du détroit de Floride. Colère Par ailleurs, tous les Américains ne se réjouissent pas de l'annonce du rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba ! Alors que Washington souhaite que la levée de l'embargo, des parlementaires démocrates et républicains, partisans de l'isolement du régime cubain ont déploré la décision de Barack Obama d'engager une normalisation des relations avec Cuba, promettant de résister à cette démarche. Marco Rubio, sénateur de Floride, où vivent de nombreux réfugiés cubains très hostiles au régime de Raul Castro, a dénoncé la naïveté de l'initiative américaine. «La Maison-Blanche a tout concédé, mais obtenu peu de choses», a-t-il déclaré. Dans une interview à la chaîne Fusion, ce dernier a lancé : «Je crois qu'on se rappellera de cette annonce comme d'une erreur tragique.» Marco Rubio présidera à partir de janvier la sous-commission des affaires étrangères qui sera chargée d'interroger et confirmer le prochain ambassadeur américain à Cuba, et a sous-entendu que cette confirmation s'avérerait délicate. Le président républicain de la Chambre des représentants, John Boehner, quant à lui, a regretté «une longue série de concessions irréfléchies à une dictature qui brutalise son peuple et complote avec nos ennemis. Cela va encourager tous les pays qui soutiennent le terrorisme». Les démocrates n'étaient pas en reste. Dans un communiqué sévère, le sénateur Robert Menendez, qui présidait jusqu'à présent la commission des affaires étrangères, considère que le rapprochement «cautionne le comportement brutal du gouvernement cubain». Sur le volet international, «c'est une grande satisfaction», a réagi le Vatican dans un communiqué saluant une «décision historique», le pape François s'est réjoui de la normalisation des relations entre les Etats-Unis et Cuba. De son côté, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a «salué chaleureusement», lors d'une conférence de presse, la décision et a offert les services de l'ONU aux deux pays pour les «aider à développer leurs relations de bon voisinage». «Aujourd'hui, un nouveau mur commence à tomber», a déclaré pour sa part la chef de la diplomatie de l'Union européenne, Federica Mogherini, pour qui l'accord entre Washington et La Havane représente «une victoire du dialogue sur la confrontation».