Créé en novembre 1999 à l'initiative de l'ex-ministre des Finances, le professeur Abdelatif Benachenhou, dans le but de mettre le pays à l'abri des turbulences du marché des hydrocarbures, le Fonds de régulation des recettes (FRR) a accumulé au fil des années d'importantes plus-values. A la fin de l'année 2014, cette réserve de fiscalité pétrolière non budgétisée détenue dans un compte courant du Trésor ouvert en février 2000 était estimée à environ 95 milliards de dollars. A sa création, il n'avait, évidemment, jamais été question que cette épargne soit utilisée pour combler les déficits budgétaires d'un Etat qui s'était mis dès 2011 à dépenser sans compter mais, bien au contraire, pour générer des surcroîts de richesses au moyen de judicieux placements. Il était, à titre d'exemple, sérieusement question d'investir cet argent dans la création de fonds souverains et dans la promotion de grands projets industriels. Il devait également servir au rachat d'une part importante de la dette publique de l'Etat, ce qui fut en partie réalisé avant que la loi de finances pour l'année 2009 ne transforme ce fonds en simple «épongeur» de déficits publics. On peut imaginer ce qu'aurait pu rapporter cette épargne colossale si elle avait fait l'objet de placements fructueux au lieu d'être dilapidée dans la résorption de déficits créés de toutes pièces par des gouvernants qui se sont lancés dans des dépenses improductives pour acheter la paix et dans le «tout importation» qui lui coûte chaque année pas moins de 60 milliards de dollars. Depuis la fin de l'année 2008, le Fonds de régulation des recettes d'hydrocarbures a, en effet, été régulièrement ponctionné au gré des trous budgétaires de plus en plus profonds, au point où on évoque sérieusement l'épuisement total de ses avoirs d'ici la fin de l'année 2016 au plus tard. Les ressources encore disponibles à la fin du mois de décembre 2014 (7226,4 milliards de dinars) sont certes suffisantes pour éponger une partie du déficit de l'année 2014 estimé à plus de 3800 milliards de dinars, mais ce qui restera (environ 3426 milliards de dinars) risque d'être totalement absorbé par le déficit budgétaire de l'année 2015 qui dépasserait allègrement ce montant. Avec un prix du baril de pétrole inférieur à 60 dollars, il sera évidemment impossible de dégager des ressources importantes à affecter à ce fonds qui finira par s'épuiser. On peut évidemment s'interroger sur la possibilité de réalimenter le FRR à partir des réserves de change disponibles, mais la réalité n'est pas aussi simple. Il faut en effet savoir que ces réserves de devises ne sont pas à l'entière disposition de l'Etat, qui ne peut en prélever que les intérêts générés par les placements à terme sur les places financières. Il faut également savoir que ce sont ces réserves de change qui servent de base à la convertibilité du dinar et à sa parité par rapport aux devises fortes. Y toucher reviendrait à compromettre dangereusement la valeur et la fiabilité du dinar et par conséquent sa capacité de négociation sur les places financières et commerciales internationales. Compte tenu de la difficulté à renflouer ce fonds aujourd'hui exclusivement destiné à combler les déficits chroniques du Trésor, son extinction à court terme serait, de l'avis des experts, tout à fait probable pour ne pas dire inéluctable. En se basant sur l'hypothèse tout à fait plausible d'un baril de pétrole ne dépassant pas 60 dollars, ces derniers vont même jusqu'à prévoir le tarissement des ressources du FRR dès le début de l'année 2016, juste après avoir épongé, comme prévu par la loi de finances pour l'année 2015, 83% du déficit budgétaire de l'exercice 2015 estimé à 4100 milliards de dinars. L'Etat qui ne pourra plus compter sur ce fonds de régulation devrait, dès à présent, penser à résorber ses déficits budgétaires par d'autres moyens, comme par exemple les coupes dans les budgets de fonctionnement et d'équipement, l'endettement auprès de la Banque d'Algérie, la dévaluation du dinar et autres emprunts extérieurs dont les risques sur la cohésion sociale sont toutefois redoutables, notamment en cette période d'instabilité politique. Il est évidemment possible d'éviter ces mesures en compensant le manque à gagner de la fiscalité pétrolière par des ressources budgétaires (TVA, impôts sur les bénéfices et revenus, etc.) tirées non pas de la rente d'hydrocarbures, mais d'un surcroît d'activités économiques et commerciales. Mais, pour ce faire, il faudrait enclencher sans tarder une dynamique de production industrielle et agricole qu'il est malheureusement impossible de garantir dans les conditions d'organisation actuelles. Le processus de réforme aurait dû être mis en branle il y a au minimum cinq années, lorsque les experts et les médias avaient attiré l'attention des pouvoirs publics sur la baisse inéluctable des prix du pétrole, notamment en raison de l'exploitation massive des gaz et pétrole de schiste aux USA et au Canada. Sourds à ces appels, les pouvoirs publics ont, bien au contraire, pris fait et cause pour une politique économique résolument basée sur la rente pétrolière qui a boosté les dépenses improductives, les importations et, au bout du compte, gravement compromis l'économie productive locale. Les réformes profondes (modernisation du système bancaire, privatisation, stabilité juridique, implication maximale du privé, etc.) que les pouvoirs publics algériens ont constamment évitées ne devraient par conséquent plus faire l'objet de tergiversations et être mises en œuvre au pas de charge. A défaut, la machine économique déjà mal en point risque de se gripper dangereusement avec tout ce que cela pourrait impliquer en termes de récession, chômage, inflation et difficultés de réponse à une demande sociale considérablement accrue par l'ampleur de la croissance démographique.