Il est temps d'interpeller toutes les chaînes de télévision de se concerter avec le ministère avant d'inviter des références religieuses sur leurs plateaux. Cela ne veut pas dire que nous aurons des prérogatives, mais c'est juste pour revenir au référent du religieux national», s'est presque indigné, hier, le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aïssa, sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale, qui propose de leur «interdire de donner la parole à des extrémistes». Hamid Grine, son collègue de la Communication, l'entendra-t-il de cette oreille, lui qui ne cesse, depuis sa nomination à la tête du secteur, de pérorer sur le professionnalisme et la déontologie des médias ? Ce serait peine perdue. Les chaînes de télévision que Mohamed Aïssa pointe sans les désigner nommément foulent au pied le B-A/BA du journalisme d'abord et les grands principes déontologiques qui confèrent toute sa noblesse au métier. Il s'agit bien évidemment de deux chaînes de télévision privées algériennes de droit étranger, Echourouk TV et Ennahar TV. Deux chaînes intouchables, semble-t-il, qui font partie d'un puzzle construit par le pouvoir pour bien mater l'opposant et propager la peur, sa seule source de survie. Deux chaînes de télévision qui accomplissent à merveille la tâche de diaboliser toute contestation contre le régime, mais servent surtout de porte-voix à l'intolérance et à la propagande salafiste. On a vu comment Kamel Daoud, journaliste et écrivain, a été systématiquement lynché par Ennahar TV qui a ameuté tous ceux que compte Alger comme radicaux, nervis prêts à sortir leurs couteaux de boucher contre ceux qui osent penser autrement. Ahmed Zeraoui, alias Abdelfettah Hamadache, un islamiste radical, et consorts y prêchent régulièrement, défiant la République, propageant l'intolérance en instrumentalisant la religion, pendant qu'on y stigmatise l'opposition réunie au sein de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD), et on diabolise entre autres le mouvement Barakat qui a contesté le quatrième mandat du chef de l'Etat. L'instrumentalisation de l'attaque en France contre les journalistes et dessinateurs de Charlie Hebdo en a exaspéré plus d'un, y compris en haut lieu. Les chaînes de télévision en question n'ont pas hésité à faire le relais de radicaux et de prédicateurs charlatans dont les déclarations rappellent bien les années sombres qu'a vécues l'Algérie. A bien y regarder, les programmes de ces chaînes de télévision sont un véritable condensé de déformation professionnelle, de charlatanisme et de populisme à tout crin. Elles sont tolérées, bien protégées et bombardées de publicité privée et étatique parce que, tout simplement, elles remplissent une fonction politique et sociale voulue par le pouvoir. Hamid Grine ferait mieux de mettre de l'ordre de ce côté-là de la cour plutôt que de s'attaquer à la presse écrite indépendante, très soucieuse de la déontologie et des valeurs de liberté que le journalisme impose. Mais décidément, l'audiovisuel est une arme dévastatrice que les pouvoirs publics ont préféré laisser entre des mains serviles mais peu soucieuses des enjeux qu'il peut constituer pour le pays. Un seul principe régule ces chaînes : servir et s'enrichir.