Attendu depuis des années, le récent découpage administratif, décidé en pleine protestation antigaz de schiste à In Salah, a été perçu comme «une mauvaise réponse du gouvernement à une aspiration citoyenne légitime». A In Salah d'abord, la société civile a répondu, dans la soirée même, au Conseil ministériel restreint annonçant la promotion de la daïra et de plusieurs autres daïras du Sud en wilayas déléguées. Les protestataires du Tidikelt n'ont pas affiché la satisfaction attendue par les autorités qui pensaient, a priori, calmer la revendication citoyenne écologique en répondant à un vœu très cher longtemps exprimé et dûment rappelé au président de la République par une manifestation au lendemain de sa réélection en avril 2014. «La wilaya, la tanmiya, In Salah hia dahia», «Ni wilaya, ni développement, In Salah est la victime» ont pourtant clamé les habitants à Sahat Somoud. Cette position n'a pas changé d'un iota depuis sept semaines. L'arrêt des forages de gaz de schiste — ou plutôt le non-passage à la fracturation hydraulique du second puits de Gour Mahmoud à Dar Lahmar, 30 km au nord d'In Salah — reste l'unique revendication de la population qui ne croit pas à l'effet miracle d'une wilaya à In Salah avec le maintien des forages de gaz de schiste dans la région. C'est ce qui fait dire à Nacer Lazhar, cadre financier à la retraite et cofondateur du café littéraire de la ville de Ouargla : «Je crois dur comme fer que ce découpage administratif est non seulement l'émanation d'un gouvernement en panne d'idée, mais d'un gouvernement en plein désarroi devant la montée subite de la contestation citoyenne contre le gaz de schiste qu'il croyait dissipée. Ce découpage régional est une ancienne revendication citoyenne que le pouvoir instrumente à chaque rendez-vous électoral. C'est un découpage fallacieux, ayant pour objectif de diviser pour régner !» Amine Laloui, étudiant en sciences politique à l'université de Ouargla, ajoute : «Ce n'est pas tant le découpage proprement dit qui m'interpelle, mais son timing. Le schéma d'organisation administrative du territoire national devrait plutôt tendre vers des entités régionales aux facteurs socioéconomiques et culturels communs.» L'idée rejoint celle de Halima Fetita, militante de toujours au FLN qui tient «à la notion de terroir». Aberration Cette mère de famille pense que «Touggourt, Djamaâ et Meghaier sont un même espace socioculturel qui est l'oued Righ, une wilaya dans un prolongement tout à fait naturel». L'idée est partagée par Nacer Lazhar originaire de cette région : «L'oued Righ avec Touggourt pour capitale est connu et reconnu pour avoir été le territoire historique de la dynastie des Beni Djellab (1514- 1854), une vallée de palmeraies où les caractères anthropologiques des populations locales ne sont ni tribaux ni familiaux, mais plutôt professionnels. Historiquement, ses habitants sont venus de partout et ont été les premiers à avoir mis en valeur le désert en constituant la palmeraie d'oued Righ, d'où, d'ailleurs, leur appellation, les «Hachachna» «cultivateurs de la palmeraie !». Touggourt et Meghaier, deux wilayas déléguées, alors que l'une dépend territorialement de Ouargla et l'autre d'Oued Souf, est une aberration, selon les habitants sondés qui aspirent, bien au contraire à «l'unification territoriale». Cette région s'étend sur 150 km, tout au long du canal de drainage agricole dont elle porte le nom, avec en commun des facteurs culturels, économiques et politiques. Alors que l'administration coloniale a fait d'elle une métropole coiffant tout le territoire du Sud jusqu'au sud de Biskra, le pouvoir postindépendance l'a parcellisée entre deux wilayas limitrophes sans qu'elle ne soit admise comme wilaya, négligeant la liaison routière commune nord-sud par la RN3 allant jusqu'à Hassi Messaoud, la voie ferrée fondée en 1914, avec un terminus à Touggourt, comptoir colonial de la datte. Cela, alors même que la grande usine de conditionnement de dattes est à Djamaâ, l'unité de ramassage de sel de l'Enasel à Meghaier et les gisements d'argile, les unités industrielles de produits rouges et de matériaux de construction du Sud se trouvent à Touggourt et Djamaâ ainsi que les carrières de sable de construction de Tigdidine qui alimentent actuellement toutes les villes du Nord.