La situation a pris un cours dramatique hier à In Salah, où les échauffourées entre agents antiémeute et manifestants se sont mues en violents affrontements qui ont fait des dizaines de blessés, dont plusieurs femmes ainsi que trois gendarmes. Samedi 28 mars 2015. 60e jour de la contestation antigaz de schiste. En milieu de matinée, 300 personnes décident d'aller voir de plus près du côté de Halliburton, la multinationale chargée de la fracturation hydraulique, selon l'information arrivée à la commission technique représentant la société civile d'In Salah, histoire de vérifier. Les jeunes ont parcouru les 10 km séparant la base de vie de la ville d'In Salah à bord de véhicules de tourisme qu'ils ont laissés à une centaine de mètres. Ils ont commencé par dessiner des graffitis sur le mur d'enceinte, écrivant en gros caractères les slogans de place Somoud : «Non au gaz de schiste», «Halliburton dégage» et «Get out of In Salah». Selon des témoins oculaires, les manifestants ont tenté d'entrer en contact avec la base, puis ont décidé de ramasser des restes de pneus et de troncs de palmier pour faire un feu, en face du portail, afin de se faire remarquer. Alors que quelques-uns essayaient d'escalader le mur pour voir ce qui s'y passait et tenter de s'introduire, les éléments de la Gendarmerie nationale sont arrivés sur les lieux vers 11h. L'ambiance était tendue. Les gendarmes ont d'abord sommé les jeunes de se disperser et de rentrer chez eux, selon un témoin. Mais les jeunes étaient décidés à s'assurer de leurs propres yeux de l'existence de produits chimiques. Vers 11h30, des dizaines de manifestants ont commencé à quitter les lieux alors que d'autres voulaient rester. Mais après avoir été la cible de projectiles, les gendarmes ont utilisé les bombes lacrymogènes pour repousser les jeunes vers la ville. Affrontement L'affrontement était inévitable. Les manifestants lançaient des pierres et divers projectiles contre les forces de l'ordre, qui répondaient par le bâton et le gaz lacrymogène. En début d'après-midi, il y a eu une dizaine d'interpellations. Plusieurs blessés parmi les manifestants ont été raccompagnés chez eux pour recevoir des soins, apprend-on. Les manifestants pris sur les lieux n'ont pas été transférés vers la brigade de gendarmerie du centre-ville. La population s'y est rendue en grand nombre pour réclamer la libération des détenus, mais sans résultat. Quelque 10 000 manifestants se sont mobilisés dans une ambiance d'insurrection. Selon des témoignages concordants, il y avait des courses-poursuites de véhicules tout-terrain jusqu'à la tombée de la nuit, alors que les détenus de la matinée ont été relâchés en fin d'après-midi par la gendarmerie. La population, solidaire de ses enfants détenus, s'était regroupée sur la place Somoud en signe de protestation. Les femmes étaient encore plus nombreuses et plus déterminées devant la police qui les repoussait vers le lycée mixte ; quelques-unes ont été blessées, bastonnées et violemment réprimées, selon des témoins. Usant de gaz lacrymogènes à outrance, les policiers faisaient des rondes bruyantes au centre-ville, révèle un manifestant joint par téléphone. «Ils ont essayé à maintes reprises de forcer le mur humain qui se dressait sur la place, ils voulaient impressionner les gens par des coups de volant impromptus, un jeune a été touché à la poitrine et transféré à l'hôpital», ajoute-t-il. En fin d'après-midi, les forces de l'ordre encerclaient la ville quasiment quadrillée par les éléments de la gendarmerie et de la police. Face à eux, une population qui accuse «le gouvernement et le chef de l'Etat de pousser au pourrissement en coupant court toutes les possibilités de dialogue, négligeant de répondre à notre demande de moratoire». «Nous avons reçu des informations sûres que la fracturation hydraulique allait se faire. Il faut qu'Alger cesse de nous dédaigner. Nous avons opté pour la lutte pacifique et cette violence ne nous ressemble pas, elle est provoquée. Les forces de l'ordre ont provoqué les gens, des vieux ont affirmé avoir été insultés comme jamais», affirme Mohamed Djouane, président de l'association Shams et activiste antigaz de schiste. A la tombée de la nuit, la population d'In Salah était encore dans la rue, face aux forces de l'ordre et aux colonnes de fumée qui montaient dans le ciel.