A la veille de l'emblématique 24 février que l'opposition compte métamorphoser en une commémoration de la résistance à l'exploitation du gaz de schiste en soutien à la population d'In Salah, le Tidikelt se réinvente et s'ingénie à insuffler aux troupes, fatiguées par 52 jours de manifestations dans la rue, une nouvelle raison de poursuivre la contestation. La société civile d'In Salah a adressé, jeudi, la demande d'un moratoire sur le gaz de schiste au chef de l'Etat cosignée par plusieurs experts algériens solidaires du combat de la population d'In Salah. La lettre commence par le constat d'échec des négociations : «Après les tentatives de dialogue infructueuses entre les pouvoirs publics et la population d'In Salah sur la question de l'exploitation du gaz de schiste par la technique de la fracturation hydraulique en Algérie, en général, et à In Salah en particulier, et face à l'enlisement de la situation, nous, habitants d'In Salah, habitants du Sud algérien, citoyens algériens, venons vous solliciter au nom de notre région, au nom de nos concitoyens du Sud et de toute l'Algérie qui s'opposent à l'avenir funeste que nous réserve l'exploitation des gaz de schiste.» La demande de moratoire met en exergue les risques sur l'environnement, notamment la pollution de l'eau et de l'air, les séismes, les répercussions sur la santé, l'utilisation de grandes quantités d'eau et, pour terminer, signale qu'elle n'est «pas rentable». La lettre relate le constat d'atteintes environnementales flagrantes, en totale contradiction avec les propres consignes du président de la République lors du Conseil ministériel restreint du 27 janvier 2015 : «Le gouvernement devra veiller avec fermeté au respect de la législation par les opérateurs concernés, pour la protection de la santé de la population et la préservation de l'environnement.» L'appel à un moratoire vise, selon les signataires, à «rétablir la confiance et le dialogue entre les populations concernées, le pouvoir central et la communauté scientifique» et la création d'une commission indépendante ainsi qu'un débat national pour que «l'Algérie avance avec confiance, avec espoir, en dépit de toutes les difficultés, vers un destin meilleur et sait pouvoir compter, pour cela, sur le concours de tous ses enfants, sans exclusive ni marginalisation». Compteurs à zéro Gardant l'espoir d'un recul du gouvernement, d'une décision providentielle du chef de l'Etat quant à un moratoire sur le gaz de schiste, les protestataires remettent ainsi les compteurs à zéro et soufflent sur les braises de la résistance, avec une mobilisation qui a certes diminué d'intensité mais n'a jamais quitté la place Somoud, où les rassemblements se tiennent, comme d'habitude, quotidiennement, alors qu'une vingtaine de jeunes surveillent les forages de Gour Mahmoud, scrutant tout changement dans la manière de forer. Le passage au forage vertical, à la fracturation hydraulique avec ses produits chimiques injectés dans le sol, c'est ce que redoutent le plus les habitants d'In Salah. In Salah la militante, In Salah l'antigaz de schiste est éreintée par le silence du gouvernement qui a coupé tout contact avec les protestataires au moment où les renforts sécuritaires sont de plus en plus apparents dans cette plaine du Tademaït, cette paume de la main ouverte au relief si particulier cachant des trésors de minerais et d'hydrocarbures. La place Somoud, qui a encore vibré cette semaine de la voix du professeur Segni Laadjal, professeur à l'université de Ouargla, défenseur farouche des énergies renouvelables et de la chimie verte, venu donner son point de vue sur l'exploitation du gaz de schiste, s'apprête à vivre, mardi prochain, sa plus grande mobilisation depuis le début de la contestation, le 31 décembre 2014.