Agitation et manœuvres de repositionnement dans le sérail. Alors que l'opposition s'emploie à briser le blocage politique en forgeant un rapport de force favorable au changement démocratique, au sein du pouvoir, les batailles de tranchées font rage entre les différents groupes influents. Des tensions apparaissent au sein du régime. Signe d'une probable rupture des équilibres entre les forces en présence, au moment où la question de la succession est fortement posée. A l'approche de la révision de la Constitution qui devrait donner lieu à une nouvelle architecture institutionnelle, le cercle présidentiel aurait tenté un autre passage en force pour consolider ses positions dans les appareils de l'Etat en s'emparant des leviers décisifs du pouvoir. Des informations concordantes font état d'un changement profond aux différents postes stratégiques qui devait intervenir en février dernier, avant d'être «bloqué» pour des raisons de désaccords tout aussi profonds entre les divers pôles du pouvoir. Ainsi, le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, était sur le point de procéder à des changements et des permutations touchant à des postes stratégiques civils et militaires. Le changement devait concerner notamment le poste de chef d'état-major. La proposition était de «séparer le poste de chef d'état-major de celui de vice-ministre de la Défense». La proposition avancée était de ne laisser à l'actuel chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, que le poste de vice-ministre de la Défense nationale – il perdrait ainsi le commandement de l'armée – et de confier le poste de chef d'état-major à un haut officier de l'armée. L'idée était de mettre fin au cumul de fonctions et d'en finir avec les confusions et les interprétations qui durent depuis que Gaïd Salah coiffe les deux postes. Cette proposition, selon nos sources, n'aurait pas eu les faveurs de celui dont on retient le rôle décisif dans la reconduction de Bouteflika pour un quatrième mandat. Ses réserves sur cette offre inattendue n'ont pas manqué de disqualifier cette vaste opération qui aurait pu déboucher sur des changements certains, allant jusqu'à bouleverser la donne. Autre élément et pas des moindres, celui qui devait porter sur la «promotion» de l'actuel directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), le général-major Abdelghani Hamel. Il devait succéder à Tayeb Belaïz au poste de ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales. La rumeur enfle depuis longtemps déjà, laissant entendre que le courant passe mal entre les deux hommes. Ils entretiendraient une relation plutôt teintée de méfiance, surtout depuis que le DGSN – hiérarchiquement dépendant du ministre de l'Intérieur – a été mis en difficulté dans sa «maison» suite à la fameuse affaire de mutinerie de la police durant octobre 2014. C'est un secret de polichinelle que les deux personnages ne font plus bon ménage. Deux personnalités opposées pour des fonctions dont la mission exige pourtant une parfaite entente et une coordination permanente. Abdelghani Hamel, est sorti indemne de la tempête d'automne, tandis que son ministre de tutelle semble de plus en plus isolé. Ses apparitions publiques se raréfient et son absence politique sur le terrain se fait remarquer de plus en plus. Et pour compléter le puzzle, un ancien général, «mis» à la retraite à la veille de l'élection présidentielle de 17 avril, était pressenti à la tête de la DGSN. Dans le cadre de ce remodelage dans le sérail, où intrigues et manœuvres se succèdent, la face politique du régime n'était pas en reste. De ce fait, l'actuel ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Louh, aurait été proposé pour prendre la tête de l'ex-parti unique. L'homme ne fait pas mystère de son ambition de «s'emparer» de l'appareil du FLN dans la perspective de «mettre de l'ordre» dans un parti actuellement miné par une crise aussi inextricable qu'interminable. Son inénarrable secrétaire général actuel, Amar Saadani, fortement contesté à l'intérieur comme à l'extérieur du parti FLN, a fait courir, lui-même, le bruit qu'il serait pressenti au poste de président de la Chambre haute du Parlement. A Abdelkader Bensalah, qui avait piloté les consultations politiques sur la révision de la Constitution en 2011, était promis un poste stratégique dont les changements devraient découler de la future réorganisation institutionnelle, ajoutent encore nos sources. En somme, dans ce jeu d'échecs qui se déroule dans l'antichambre du régime se révèle l'ampleur des désaccords entre les différents pôles du pouvoir. Le violent accrochage de ces derniers jours entre les «acteurs politiques» qui ont appuyé l'option du quatrième mandat de Bouteflika est un des révélateurs de cette crise larvée, dont on mesure mal l'intensité. A la lumière de ce remue-ménage politique, il apparaît de plus en plus que le quatrième mandat est synonyme d'un engrenage dont il est difficile de sortir. Les trois personnages-clés du pouvoir que sont le président Bouteflika, le patron du DRS, le général Toufik, et le chef d'état-major Gaïd Salah semblent diverger a priori sur la marche à suivre. Une impasse.Les multiples tentatives de l'opposition de dépasser la crise du système butent sur le refus énergique des tenants du pouvoir. Ainsi d'ailleurs que toutes les initiatives de personnalités politiques, dont Mouloud Hamrouche, qui a osé interpeller les trois susnommés afin d'épargner au pays «un effondrement certain».