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Algérie : explications sur la crise au sommet du pouvoir
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 10 - 02 - 2014


Algeria-Watch, 10 février 2014
Alors que le climat politique délétère en Algérie n'agite depuis de longs mois que la seule question de la candidature éventuelle – pour un quatrième mandat – d'un Président très diminué physiquement à l'élection présidentielle prévue le 17 avril prochain, une « bombe médiatique » a explosé le 3 février dernier : dans une sortie publique sans aucun précédent, Amar Saâdani, le secrétaire général du FLN, s'est attaqué très violemment au général-major Mohamed Médiène (74 ans), alias « Tewfik », l'inamovible (depuis septembre 1990) et tout-puissant chef du DRS (Département du renseignement et de la sécurité), la police politique au cœur du régime. Et trois jours après, le jeudi 6 février, le quotidien arabophone El-Khabar annonçait que le président Abdelaziz Bouteflika (75 ans) aurait « démis de ses fonctions » le général Médiène, « ainsi qu'une centaine d'officiers de l'armée, de la gendarmerie et du DRS » – une annonce ni démentie ni confirmée à ce jour. Et le 8 février, on apprenait qu'un ancien adjoint de Tewfik, le général Hacène, avait été arrêté manu militari trois jours plus tôt, car accusé d'« activités séditieuses ».
Face à la surprise provoquée par ces événements, à l'avalanche de commentaires le plus souvent confus et biaisés de la presse algérienne et à la perplexité de nombreux médias internationaux, Algeria-Watch a souhaité répondre à six questions de bon sens que pose cet événement, lequel constitue à l'évidence un tournant important dans l'histoire de l'Algérie contemporaine. Des réponses nourries par le constant travail de veille sur la situation algérienne que nous effectuons depuis 1997, grâce notamment aux nombreux informateurs algériens avec lesquels nous sommes en contact, dans tous les milieux.
Comment interpréter la très étonnante sortie du secrétaire général du FLN – lui-même largement contesté au sein de son parti –, l'ancien parti unique, contre le chef du DRS ?
Dans le code du régime algérien depuis les années 1980, une des règles veut que, quand le nom d'un responsable de la « coupole » secrète qui le dirige effectivement derrière sa façade démocratique commence à être cité dans la presse, celui-ci a plus ou moins perdu la confiance et la protection du « système » – une étrange similitude avec le modèle des diverses mafias italiennes (Cosa Nostra, Ndrangheta, etc.) et de ses émules d'autres pays. Amar Saâdani est un vieux routier de ce système, dont il connaît intimement le mode de fonctionnement. Qu'il soit honnête ou non, baladin ou percussionniste, intelligent ou non est tout à fait secondaire, particulièrement dans le contexte actuel. Saâdani, proche de Saïd Bouteflika (frère du chef de l'Etat), a accepté de jouer le rôle d'accusateur public en chargeant le général Tewfik de tous les maux affligeant l'Algérie, de la « sale guerre » des années 1990 à ceux desdéconfitures sahariennes des années 2000.
Il est certain qu'un tel apparatchik éprouvé ne se serait jamais aventuré sur un terrain aussi périlleux sans, au moins, l'assentiment et les garanties d'un centre de pouvoir décisif. L'opinion de nombreux observateurs converge sur le fait que ce centre est aujourd'hui l'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP). En son sein, derrière le chef d'état-major et vice-ministre de la Défense (nommé à ce poste en septembre 2013), le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah(74 ans lui aussi, réputé être le général d'active « le plus vieux du monde »), dont le grand âge et l'état de fatigue indiquent qu'il n'a d'autre capacité d'initiative que celle d'un paravent décoratif, on perçoit les ombres portées de généraux (un peu) plus jeunes et plus importants, au premier rang desquels Saïd Bey (71 ans).
Commandant de la 2e région militaire (Oran) jusqu'à l'été 2013, ce dernier est devenu depuis l'adjoint direct de Gaïd Salah à la tête de la nouvelle « Commission spéciale de sécurité », officiellement créée en décembre 2013 pour gérer la carrière des officiers de l'armée (et du DRS). Outre Gaïd Salah et Saïd Bey, cette commission compte dans ses rangs les généraux commandant les six régions militaires, ainsi que le chef de la DCSA (Direction centrale de sécurité de l'armée, importante branche du DRS dirigée depuis septembre 2013 par le général Lakhdar Tirèche, venu de l'armée et non du DRS) et celui de la police nationale (DGSN), lui aussi un militaire, le général Abdelghani Hamel. Cette commission semble bien être désormais le « bras armé » de l'état-major pour mettre au pas le DRS.
Quelles sont donc les forces réellement en présence ?
Derrière l'écran de fumée de la « lutte de clans » qui opposerait celui du président Bouteflika à celui du général Tewfik, il est clair que le vrai conflit pour le pouvoir est celui opposant les chefs du DRS à l'état-major de l'ANP, qui souhaite récupérer l'intégralité de ses prérogatives. Aux yeux de ce dernier, le DRS doit retrouver sa vocation stratégique, essentielle, de défense de la sécurité nationale, largement abandonnée après la fin de l'ère Boumediene (quand ce service s'appelait encore Sécurité militaire), puis complètement depuis l'éviction du gouvernement réformateur en juin 1991. Depuis cette date, derrière des paravents civils, le DRS a constitué la réalité du pouvoir politique, maître d'œuvre de la répression et de la manipulation, gestionnaire occulte et irresponsable de la vie économique et sociale de la société tout entière. Après le coup d'Etat du 11 janvier 1992, les chefs du DRS et ceux de l'état-major étaient parfaitement unis pour conduire de concert une terrible guerre « contre-insurrectionnelle » contre le peuple algérien, afin de préserver leurs privilèges et leurs circuits d'accaparement de la rente pétrolière et gazière. Mais depuis le début des années 2000, des tensions sont apparues entre ces deux pôles du pouvoir réel, notamment avec la sombre affaire Brown & Root Condor en 2006. Et depuis 2013, de nombreux indices indiquent que la position auparavant hégémonique du général Médiène – dernier des principaux généraux « janviéristes » encore en poste – s'est nettement affaiblie face à ses pairs de l'état-major.
Comment interpréter les changements annoncés au sein du DRS et la rumeur de la mise à la retraite du général « Tewfik » Médiène ? Ces mouvements et médiatiques sont-ils liés à l'élection présidentielle ?
Il n'est pas certain que ce qui se passe actuellement à Alger soit surtout lié à la question du quatrième mandat du président Bouteflika. L'approche des élections présidentielles contextualise certainement le conflit au sommet de l'appareil sécuritaire, mais beaucoup sont persuadés que ce qui se déroule est essentiellement la sanction d'un échec majeur, une des conséquences « organiques » de l'onde de choc de Tiguentourine. L'assaut terroriste sur la base gazière en janvier 2013 et la gestion désastreuse par le DRS de la prise d'otages subséquente a mis en exergue l'incompétence de l'équipe dirigeante de ce département.
Comme l'a relaté dès février 2013 un article d'Habib Souaïdia (l'auteur, en 2001, du livre La Sale Guerre) publié par Algeria-Watch, les militaires ont été écartés sans ménagement de la gestion de cette affaire, qui a abouti à un carnage aveugle : c'est le chef d'alors de la DSI (Direction de la sécurité intérieure du DRS, le contre-espionnage), le général Athmane Tartag, dit « Bachir » (et de son vrai nom El-Bachir Sahraoui), qui a décidé contre l'avis des généraux de l'armée présents sur le site d'éliminer les terroristes à coup de missiles tirés par les hélicoptères du DRS, tuant en même temps leurs otages occidentaux. Au-delà, le drame de Tiguentourine a mis en relief l'incapacité flagrante du DRS à fournir du renseignement opérationnel sur les mouvements de groupes terroristes notoires et que ce service aurait, dit-on, infiltré depuis l'origine. Les militaires ont fort peu goûté – c'est un euphémisme – d'être « secondarisés » et plus ou moins rendus responsables de la prise d'otages et de son issue sanglante.
L'incompétence de la direction du DRS, criante depuis l'affaire de la capture de trois humanitaires européens dans un camp de réfugiés du Front Polisario de la région de Tindouf en octobre 2011, revient souvent dans les critiques de plus en plus ouvertement formulées dans l'armée contre la police politique. Les militaires n'ont pas compris ni admis qu'un commando du MUJAO (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest, un nouveau groupe « islamiste » aux origines douteuses) puisse intervenir dans un périmètre hautement sécurisé, quasiment à l'intersection de trois bases aériennes de haute valeur stratégique. Cette affaire avait été exploitée par Tewfik Médiène, qui en avait profité pour se débarrasser du général Abdelkader Kherfi (successeur en 2007 de Smaïl Lamari à la DCE, devenue ensuite DSI) et rappeler son ami et collaborateur de sinistre mémoire, le général « Bachir » Tartag – comme Algeria-Watch l'a bien documenté, ce dernier a été dans les années 1990 au cœur de la terrible « machine de mort » construite alors par les généraux algériens. Mais cette très grave défaillance (ou manipulation délibérée ?) a été suivie par l'enlèvement de diplomates algériens à Gao en avril 2012 et l'intervention de l'armée française au Mali en janvier 2013, officiellement pour défendre l'intégrité de ce pays menacée par des groupes djihadistes.
Du coup, beaucoup dans l'armée, dans sa périphérie et parmi les cadres « autonomes » reprochent au DRS d'avoir contribué à « pourrir » la situation au Nord-Mali et de jouer dans le Sahara algérien des jeux dangereux en manipulant divers groupes terroristes islamistes. Et donc d'avoir favorisé le retour, visiblementpréparé de longue date par l'armée française, dans la région d'une présence militaire néocoloniale et de provoquer des fractures éminemment dangereuses pour l'unité nationale.
À ce propos, quid des influences extérieures et de l'impact du mécontentement à peine voilé des sociétés pétrolières étrangères actives en Algérie ?
Il ne fait guère de doutes que ces influences externes – en particulier des gouvernements britannique et américain, mais sûrement aussi des milieux d'affaires français – ont joué un rôle décisif dans l'impulsion de la réorganisation du DRS en cours, comme l'a bien expliqué Hocine Malti (ancien dirigeant de la Sonatrach) à l'occasion du cinquantième anniversaire de la création de Sonatrach. Le fait que le groupe de terroristes ayant attaqué Tiguentourine se soit librement déplacé dans la région, sur des centaines de kilomètres, la facilité avec laquelle il a pénétré dans le périmètre de la base gazière et la mort de trente-neuf otages occidentaux ont suscité l'incompréhension des partenaires. Les compagnies pétrolières, notamment British Petroleum, ont naturellement réagi en exigeantd'assurer elles-mêmes la sécurité des sites. Et les gouvernements occidentaux, comme celui du Royaume-Uni, ont « proposé » une assistance sécuritaire directe de leurs services secrets. Si vous démontrez votre incapacité à protéger des intérêts vitaux pour le pays et d'une importance cardinale pour l'Occident, vous vous exposez à être subrogés et à concéder de facto des pertes de souveraineté.
À ce niveau, l'incompétence devient un handicap insupportable. La modernisation de l'armée, la formation des troupes et l'acquisition d'armements modernes ne suffisent pas à assurer la professionnalisation de la défense nationale, encore faut-il disposer d'une organisation opérationnelle fondée sur l'anticipation, le traitement efficace de l'information et la gestion des crises. C'est sous cet angle que s'explique probablement le rattachement (survenu en septembre 2013) de la DCSA, un des trois services du DRS, à l'état-major et l'éviction d'officiers de ce service, dont son directeur le général M'henna Djebbar, spécialiste de la répression de civils désarmés mais visiblement pas à la hauteur des missions réelles de la DCSA. Autrement dit, pour les chefs de l'état-major, il serait vital du point de vue de la sécurité nationale que le DRS abandonne son rôle de police politique et de « service du personnel » du régime pour retrouver sa mission de renseignement.
Les médias algériens présentent le conflit comme étant essentiellement l'expression d'une opposition entre la présidence et le DRS, or les principaux relais civils de la police politique ont confirmé leur soutien à la candidature de Bouteflika. Le quatrième mandat fait-il consensus ?
Jusqu'à l'éclatement de la crise sur la place publique avec les déclarations de Saâdani, il semble bien que les décideurs dans leur ensemble étaient d'accord pour la continuité. Dans les faits, hormis quelques inimitiés tenaces, Bouteflika a joué son rôle de façade civile du régime de manière plutôt satisfaisante depuis 1999. La presse – à l'exception de quelques sites Internet appartenant à des figures du régime – ne s'est pas frontalement élevée contre sa reconduction à la tête de l'Etat. On n'apprendra rien à personne en rappelant que la presse dite « indépendante » et l'écrasante majorité des associations de la « société civile » sont notoirement encadrées par le DRS. Il existe bien entendu quelques journalistes réellement autonomes comme quelques personnalités libres de toute allégeance aux « organes de force » – pour reprendre l'expression russe consacrée –, mais ils sont les rares exceptions à une règle établie depuis le 11 janvier 1992.
La remise en question du quatrième mandat s'est brutalement imposée dans l'actualité des journaux aux ordres quand les premiers décrets de mise à la retraite d'officiers du DRS ont été annoncés, le 13 janvier dernier. Avant cela, il semble que malgré l'état évident – au point d'en être gênant pour le téléspectateur – d'épuisement du président, peu de voix contestaient son éventuelle candidature à l'élection d'avril 2014.
Le président Bouteflika, sa famille et les hommes d'affaires qui l'entourent ne représentent pas des pièces maîtresses sur l'échiquier du pouvoir réel. Abdelaziz Bouteflika, qui n'a pas pu empêcher la mise à l'écart des ministres qu'il avait imposés, qui n'a jamais pu nommer un chef de cabinet ni un secrétaire général en quatorze ans de « règne », se serait-il transformé, entre Val-de-Grâce et Invalides, en centre de pouvoir en mesure d'affronter le DRS ? À l'évidence non. D'autant que le chef de l'Etat est très affaibli et ne paraît plus en mesure d'assumer très longtemps une fonction particulièrement exigeante. Son frère Saïd, qui joue le rôle de chef de cabinet informel, tente bien de s'assurer des alliances dans les appareils ; mais face à l'omnipotence du DRS et à la puissance de l'état-major, ces alliances paraissent bien précaires.
Pourquoi ce conflit éclate-t-il aujourd'hui ? Quels sont les scénarios possibles ?
Ce conflit, latent depuis plusieurs mois – rappelons que l'annonce d'une « réorganisation du DRS » date de septembre 2013 –, s'est accéléré avec l'aggravation de l'état de santé d'Abdelaziz Bouteflika. L'état-major souhaite clôturer l'ère Tewfik avant les élections présidentielles. Les généraux autour de Gaïd Salah appréhendent les interférences de Tewfik et de ses collaborateurs dans le processus électoral. L'histoire ne se répète jamais, dit l'adage. Sauf en Algérie, ou Sisyphe a, semble-t-il, la vie dure. Avec des motivations différentes de celles qui étaient les leurs à l'époque, on retrouve en effet aujourd'hui les mêmes protagonistes qu'en 2004 : l'état-major et le DRS. Le général Tewfik l'avait alors emporté face à l'ancien chef d'état-major Mohamed Lamari (décédé de mort naturelle en février 2012, sans avoir eu à rendre compte de ses crimes), écarté sans tambours ni trompettes, mais heureusement sans effusion de sang.
Car il est arrivé, surtout dans la période de folie sanguinaire du pouvoir que furent les années 1990, que les conflits au sommet se règlent dans la rue et sur le dos des civils. La crainte des Algériens est que la crise actuelle entre les deux pôles du pouvoir soit une réédition de celle ayant entraîné la démission du président Liamine Zeroual en septembre 1998. Une série de massacres de très grande ampleur avaient eu lieu dans les régions d'Alger et de Rélizane, causant des milliers de morts dans des circonstances indicibles. Perpétrés par des « escadrons de la mort » relevant du DRS – les trop fameux « groupes islamistes de l'armée » –, ces massacres, point culminant de la « sale guerre », avaient créé un halo de psychose précipitant le départ sans gloire d'un homme respectable et bien intentionné, mais sans autorité sur l'armée et les appareils de sécurité.
À l'heure où ces lignes sont écrites, aucune confirmation officielle – ni aucun démenti d'ailleurs – n'étaye la mise à la retraite du chef du DRS. Mais la crise est bien réelle et si elle dure ou dérape, elle risque de menacer la stabilité du pays. Or le peuple algérien a déjà payé un très lourd tribut à l'impéritie de ses dirigeants, en particulier depuis le coup d'Etat de 1992. L'Algérie a urgemment besoin de sortir du tunnel de désespoir dans lequel les aventuriers de la rente l'ont alors jetée. Le pays est épuisé par une gouvernance inepte exclusivement fondée sur la rente et la violence. La population est abandonnée à elle-même et des appareils dévoyés n'ont plus que la manipulation et la division pour amener le pays vers l'éclatement. Si cette dérive suicidaire n'est pas enrayée, aucune force au monde ne pourra arrêter l'explosion à venir.
Difficile, à ce stade, d'en dire plus sur les issues possibles de cette énième crise : les informations sont parcellaires et bien des retournements restent possibles. Si elle devait être le prélude à la recomposition politique autour d'institutions démocratiques, de la réhabilitation de l'Etat de droit, du rétablissement d'une justice indépendante et équitable et de la pacification des rapports politiques, alors elle est bienvenue. L'Algérie a besoin, plus que jamais, d'un gouvernement représentatif composé d'hommes et de femmes jeunes et compétents, d'un chef de l'Etat dans la force de l'âge pour mener à bien le redressement vital et urgent du pays, d'une armée puissante et moderne pour assurer la défense des frontières et de services de renseignements efficaces pour la protection des intérêts de la Nation dans un environnement international des plus incertains.


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