L'été s'en va comme il était venu : sur la pointe des pieds. Les pluies qui ont pourri le début de la saison estivale ont fait longtemps douté de celle-ci. Les agriculteurs offraient au ciel un front soucieux ; ils craignaient à juste titre que tant d'humidité allait provoquer l'apparition de cette terrible maladie cryptogamique qui avait, l'année dernière, ravagé des certaines d'hectares de blé tendre dans la région. Mais au lieu de la rouille jaune, dont la récolte a été providentiellement épargnée cette année, la crainte de voir pourrir celle-ci sur pied était amplement justifiée par le développement quotidien de foyers orageux dans la région. La qualité des céréales s'en est ressentie, la graine n'était pas partout de même grosseur et, dans certaines zones, elle était rayée. On tablait sur une production estimée à 1,5 million de quintaux, on n'en a engrangé un peu plus de 1,200 million. Que dire des autres productions comme la pomme de terre où le mauvais temps empêchait d'en faire la cueillette, faisant du coup grimper le prix du kilo ? Et puis l'été vint et cette fois, on ne doute plus que c'était lui. La lumière devint intense, le ciel, dégagé, plus bleu, plus profond et le soleil, régnant sur l'espace sans partage, fit sentir pendant une semaine ou deux que les canicules étaient bien là. L'été allait être long. A-t-on fait de projets de vacances ? S'était-on décidé pour la mer, la campagne où quelque ville charmante d'Algérie ? La fraîcheur, vraiment exceptionnelle de la saison la plus chaude de l'année, s'est chargée de mettre un bémol à l'enthousiasme des plus passionnés de voyages, de randonnées et de camping. S'était-on plus ennuyé que les autres étés ? Avait-on mieux employé ses loisirs ? S'était-on régalé de ces fruits que l'été, dans son exubérance extraordinaire, a offert à tous les porte-monnaie et à tous les palais ? A-t-on savouré la figue, la pastèque, le melon, le raisin blanc et noir, la pomme, la pêche, la poire et d'autres encore que Gide dans son langage imagé, appelle délicieusement les nourriture terrestres ? S'était-on bien chamaillé autour des questions essentielles soulevées par l'actualité qui pendant les 34 jours d'agression israélienne mettait le Liban sous les feux de la rampe ? Oh, pardon ! On a oublié nos malheurs et nos problèmes. Le terrorisme reprend du poil de la bête dans la région Centre et fait des victimes parmi les services de sécurité ; les assassinats, les accidents de la route, la misère avec ses dangereux corollaires que sont la prostitution, le proxénétisme, la drogue, l'alcool et le suicide se multiplient et s'étalent sans vergogne aux yeux de toute la population effarée. Oh, pardon aussi pour le Président ! Voilà qu'on oublie qu'il a eu de graves problèmes de santé qui lui ont valu deux hospitalisations au Val de Grâce, en France, et que cela fait maintenant un bon moment qu'il ne s'est pas montré en public. Dans un tel contexte comment l'été ne paraîtrait-il pas court ? L'été s'en va donc comme il était venu, commencement et fin annoncés par les orages et la fraîcheur. « Adieu vive clarté de nos étés trop courts » déplorait en un vers magnifique l'auteur de Racines du mal. A dieu l'été de tous les palabres et de toutes les farnientes.