Le grand saxophoniste et chanteur Manu Dibango, dans un entretien à El Watan, (du 20 août 2014), nous avait confié à propos du plagiat de Soul Makossa par Michael Jackson sur Wanna Be Startin' Something dans l'album Thriller, et Rihanna sur Don't Stop The Music : «Je suis flatté et déçu. Je suis heureux que Michael Jackon ait pris repris Soul Makossa. Cela veut dire qu'il a aimé ce titre. Vous savez, on ne pique que ceux qu'on aime. Cela veut aussi dire qu'il nous écoute. Mais ça, et prendre les choses légalement c'est un autre problème. Il y a beaucoup de gens qui ont repris Soul Makossa. La reprise de Soul Makossa par Rihanna n'était pas légale. Mais les Spike Lee, Will Smith et Jay Z, c'était légal.» L'affaire de plagiat du tube international Didi de Khaled, le roi du raï, un emprunt sans crédit à l'auteur initial, cheb Rabah, qui lui-même «chaparde» des paroles issues de la chanson «hardcore» et paillarde de Charak Gataâ de cheikha Rimitti, montre le cercle vicieux d'un consensuel plagiat ambiant dans la musique raï. Où tout le monde se sert, reprend, imite, revisite l'œuvre originale, et ce, dans la tradition des chanteurs du raï «primal» des chouyoukh et cheikhate du bédoui, du ch'ir el melhoun (poésie chantée) d'antan. Sans enregistrement ni courant... alternatif. De l'unplugged, acoustique, live, vivant quoi ! La Camel, Chebba, Bladi Hia El Djazaïr et les autres Khaled a commis une erreur naïve à son arrivée en France, à la fin des années 1980, en déposant totalement sa discographie en son nom à la SACEM, alors qu'il était interprète et accessoirement auteur. L'histoire de Didi est loin d'être le premier «vol»…qualifié de plagiat dans la musique raï. Ce précédent, ce cas d'école, cette jurisprudence «railleuse» qui commence à connaître l'air et la chanson raï, va ouvrir la voie, pour ne pas dire la voix de son… maître des auteurs «originels» n'ayant guère reçu ou perçu aucun kopek ni penny en matière de droits d'auteur. Tant qu'on y est, pourquoi les ayants droit de cheikha Rimitti ne revendiqueraient-ils pas les droits d'auteur de La Camel repris dans Kutché, le premier album de raï à vocation internationale de Khaled, en 1988, produit admirablement — un chef-d'œuvre — par Safy Boutella avec le concours de Martin Meissonnier et sous les auspices du «colonel Parker» algérien (remember Elvis Presley), le colonel Senouci, le mécène historique du raï ? Sur la pochette du disque Kutché, il n'y a nulle trace de crédit ou encore de copyright de cheikha Rimitti. Pourquoi la famille du regretté Ahmed Zergui, le précurseur du raï électrique et électro à la guitare Fender télécaster ne demanderait-elle pas les droits d'auteur pour la chanson Chebba, reprise dans Kutché où son nom n'a pas droit de cité ? Pas de crédit non plus pour les deux chansons, La Camel et Chebba, sur les albums live Hafla (1998) et 1, 2, 3 Soleil (1999). JOSEPHINE, C'EST HAYA H'BIBI RAFEGNI Ainsi qu'à cheb Yazid ayant repris Nacera ? Ou encore les ayants droit de cheikha Djenia pour Kin Dir Ouandirlah, repris, pour ne pas dire pris par cheb Abdou sans autorisation. Et pourquoi pas aussi cheikh Naâm ? N'a-t-il pas le droit de percevoir des royalties pour les paroles de Bladi Hia El Djazaïr, dont il est l'auteur, reprise par Mami ? Et à rebours, l'on pourrait demander des comptes à Réda Taliani pour son succès de 2004, Joséphine (pas celui de Chris Réa et Alain Bashung) plagié à partir de Hya H'bibi Rafegni du troubadour cheikh Djilali Aïn Tedles, le samples de Mundian To Bach Ke, de Punjabi MC et Jeunesse perdue, de cheb Mami en featuring avec le groupe de rap 113. Lesquels 113, la bande à Rim-K et leur hit Tontons du bled seront plagiés par cheb Djelloul pour un tube, Maâliche. Même le regretté cheb Hasni était un plagiaire naïf. Car victime, à l'époque (1986-1994), de ses arrangeurs — hormis le génial Mohamed Meghni — puisant sans autorisation dans le répertoire des autres. Le standard de la chanson française Comme d'habitude — My Way — deviendra Samaât Ennas, l'intro de Ana Manwalich (Je ne reviens pas) est celle de Just an illusion du groupe britannique Imagination, le succès de l'année 1982, au Royaume-Uni, en Europe, aux Etats-Unis et en Algérie où il a donné un concert à Alger, Kount Naâzha Ana Ktar Men omri (Je la chérissais plus que tout au monde), est une belle ballade française de Christian Adam, intitulée Si tu savais combien je t'aime. Kalam Ennas, de George Wassouf est devenue Aâllah Ya Bent Enas. Ahwak (Je t'aime) de Abdelhalim Hafez sera Dima H'zina. Ana El Merioul (Je suis le dandy) est superposée au hit-man… dingue et pionnier de la musique World, en 1987, Yéké Yéké du griot Mory Kanté, l'homme à la kora (instrument à cordes traditionnel africain). Ana El Merioul (Je suis le dandy) est superposée sur Serbi Serbi, de Khaled. Ou encore Nebghi L'mahna Litima, qui n'est autre que Hagda, de Raïna Raï. Le plagiat dans le raï, c'est à qui mieux-mieux ! PHARELL WILLIAMS, COLDPLAY, SAM SMITH, PLAGIAIRES Cela est monnaie courante même à l'échelle internationale avec le récent scandale autour du succès Blurred Lines, succès de 2013 interprété par Robin Thicke, Pharrell Williams et T. I., ayant plagié Got To Give It Up (1977) de Marvin Gaye. Ils ont été condamnés, en mars dernier, à verser un total de 7,4 millions de dollars (6,9 millions d'euros) aux ayants droit, les enfants de Marvin Gaye. Sam Smith, récipiendaire de plusieurs Grammy Awards, avec le titre Stay With Me, a été obligé d'accepter le copyright de Tom Petty et Jeff Lyne pour la chanson I Won't Back Down. Les One Direction ont «pompé» aux Who Baba O'Riley sur le titre Best Song Ever. Bruno Mars n'est pas en reste avec Treasure. Il a simplement plagié I'm Yours du Français Breakbot. Les Rihanna, Beyoncé, Kanye West sont actuellement dans la ligne de mire. Alors, «Vamos» au plagiat ! (Vamos a la playa).