L'association du village a fait se rencontrer et s'exprimer des représentations théâtrales mais aussi para-théâtrales à travers la fête d'«Amghar n uceqquf». Fin mars. Le temps est printanier. La route en lacets, qui nous mène vers Ikhettaben, village de la commune d'Adekar, laisse voir des vestiges de la décennie noire. Des bâtisses en ruine, ayant servi de cantonnements aux gardes communaux, soulagées de leurs portes et fenêtres, jalonnent le parcours de cette zone isolée. De l'intersection, qui mène du CW 14 vers le village Ikhettaben, le profil de la route est lamentable. On y circule malaisément. A quelques encablures du village, le paysage est défiguré par une décharge sauvage. Des banderoles flottant le long du trajet annoncent aux visiteurs la tenue dans les lieux de la 1re édition du théâtre traditionnel d'expression amazigh. Abritant plus de 1000 âmes, le village est enserré dans une région montagneuse, dominé par le sommet du mont Taksebt qui culmine à une altitude de plus de 900 mètres. Des bus et des véhicules sont stationnés, çà et là, dans les aires dégagées du village. L'école primaire où se tient l'évènement affiché sur les banderoles est colorée par une ribambelle d'enfants languissant devant la scène vide. Ils attendent le coup d'envoi des festivités. Des adultes déambulent devant les stands d'exposition de livres, de photos… dressés dans les salles de classe. C'est le va-et-vient incessant. Nous reconnaissons parmi la foule le réalisateur et les acteurs du film Amechhah (L'Avare), en quête dans la région, apprend-on, de lieux appropriés pour le tournage de leur nouveau film. Ahmed Fertas, le président de l'association culturelle Amghar n Ucequf, organisatrice du festival, et élu APC, est hélé de toutes parts. Il reçoit les invités, répond aux questions et s'entretient, en aparté, avec les membres de son association. Djamel, un habitant du village, veut nous faire visiter tout le village et nous montrer les carences dont il souffre. «Trois mots pour vous dire les trois maux dont souffre notre village : Route, AEP et Assainissement» dit-il sur un ton goguenard. «L'état de la fontaine publique est lamentable. Pas de couverture sanitaire. L'isolement est quasi complet !» ajoute-t-il. Une fête contre le défaitisme Dans l'optique de faire sortir le village de l'isolement et de participer à la sauvegarde de l'héritage culturel de la Kabylie, l'Association Amghar n Uceqquf a trouvé en la fête Amghar uccequf, organisée autrefois pour accueillir le printemps, un allié pour les conquêtes qu'impose le présent. «De la réussite l'année passée, des réjouissances du début du printemps, a germé l'idée de ce festival» indique-t-il. Objectif poursuivi ? Faire du village Ikhettaben, ce lieu reculé de la commune d'Adekar, un réceptacle pour les troupes théâtrales amatrices et pour toutes les formes théâtrales et para-théâtrales. Pari difficile convient-on, au vu des manques de toutes sortes et des réticences de toutes parts ; mais pari à relever malgré tout, argue-t-on. Démarrée par la chorale drivée par cheikh Madjid, cette première édition a vu se succéder sur scène la troupe Lemri, de la maison de jeunes d'El-Kseur, la troupe de l'association culturelle Numédia du village Tizi-el Korn et la troupe de l'association des activités de Jeunes du douar Acif El Hammam, lesquelles ont, à tour de rôle, présenté des productions théâtrales de leur cru. Poésie, chants, danse ont meublé les intermèdes des représentations théâtrales. En soirée, le village a accompli en liesse, le rite du printemps Amghar Uceqquf (Le vieillard masqué).