Le 22 avril, les Nations unies ont été le théâtre d'échanges houleux entre représentants syriens et saoudiens. Alors que les troubles au Yémen continuent de faire des victimes, l'Arabie Saoudite et ses alliés envisagent de participer plus activement à l'éviction du Président syrien. La tension monte entre Riyad et Damas depuis les récentes déclarations du représentant permanent de l'Arabie Saoudite aux Nations unies qui a affirmé, le 22 avril, que «l'opération Tempête décisive (contre le Yémen) pouvait s'étendre à la Syrie». En réponse, son homologue syrien, Bachar Al Jaafari, a assuré avec véhémence que «si le délégué saoudien menace mon pays, comme c'est le cas, je mets l'Arabie Saoudite au défi de nous attaquer. Nous couperons la main de toute personne qui s'attaquera à la Syrie et l'Arabie Saoudite aura le sort qu'elle mérite». Cet échange belliqueux a lieu dans un contexte de plus en plus brûlant entre Syriens et Saoudiens, alors que ces derniers n'ont jamais caché leur volonté d'évincer Bachar Al Assad du pouvoir. Rapprochement Depuis quelques mois, des discussions ont cours entre le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et le roi d'Arabie Saoudite Salmane ben Abdelaziz Al Saoud. Un dialogue entamé par l'intermédiaire du cheikh qatari Tamim Bin Hamad Al Thani, qui en aurait fait part à la Maison-Blanche lors d'une visite en février dernier. A l'issue de cette visite, le président américain Barack Obama avait déclaré qu'ils avaient «partagé des idées sur les moyens d'écarter Al Assad». Le 2 mars dernier, une rencontre entre le Président turc et le roi d'Arabie avait débouché sur un accord pour augmenter l'aide de ces deux pays à l'opposition syrienne. Jean Marceau, directeur des relations internationales à l'Institut d'études politiques de Grenoble, constate également ce réchauffement diplomatique : «Dernièrement, à la veille de son voyage en Iran pour une visite axée sur la promotion des rapports commerciaux entre les deux Etats, Erdogan a eu une réunion avec des représentants saoudiens. Cela prouve que les relations entre ces deux pays sont suivies.» La question d'une coopération militaire a également été étudiée. Il y a quelques semaines, un accord a été signé entre la Turquie et le Qatar, prévoyant des échanges dans le domaine du renseignement et une coopération militaire entre les troupes turques et qataries dans l'éventualité d'une intervention armée sur un sol étranger. Des tractations similaires ont lieu entre Riyad et Ankara qui, si elles sont concrétisées, pourraient faciliter une intervention militaire conjointe de ces pays en Syrie. Freins Même si la proximité entre ces deux pays est réelle, «la probabilité d'une intervention en Syrie reste faible», explique Jean Marceau. Tout d'abord, les relations entre les deux puissances ont été très compliquées depuis les Printemps arabes. «La Turquie a soutenu des mouvements liés aux Frères musulmans, ce qui avait beaucoup déplu aux responsables saoudiens. Avec l'emprisonnement récent de Morsi, il existe toujours des tensions sur ce sujet.» Les élections législatives turques, au mois de juin, peuvent également constituer un frein à une intervention militaire en Syrie. «L'opinion publique turque est hostile et réticente à une intervention armée, à moins qu'il y ait une menace.» La volonté du Président turc d'obtenir la majorité parlementaire qui lui permettra de réviser la Constitution l'empêchera probablement d'envisager publiquement une intervention armée en Syrie, du moins le temps de la phase électorale. De plus, «les Turcs auraient déjà soutenu les rebelles qui avaient pris la ville d'Idleb, dans le nord de la Syrie, preuve qu'ils ont déjà un rôle actif dans ce conflit». Côté saoudien, on avance la relative inexpérience de l'armée, déjà engagée dans une guerre au Yémen. En conséquence, la probabilité de voir des troupes saoudiennes sur le sol syrien est quasiment nulle, même si une participation active aérienne est souvent évoquée. Il n'en reste pas moins que les menaces se font de plus en plus pressantes sur la Syrie. «Il y a un affaiblissement du camp de Bachar Al Assad», selon le professeur en géopolitique. Les dernières défaites de l'armée syrienne ont considérablement affaibli le pouvoir actuel. Quant aux alliés historiques de la Syrie que sont l'Iran et la Russie, «ils soutiennent le régime, pas forcément Bachar Al Assad qui en est le représentant».