Sensibiliser sur l'importance du tri sélectif des déchets, préserver l'environnement, encourager les amoureux des jardins fleuris, et réduire l'importation des engrais fertilisants, tels sont les défis que se sont lancés une vingtaine d'étudiants de l'Ecole nationale supérieure des travaux publics de Kouba, ENSTP. Dans le cadre du programme Injaz El Djazair fraction de Injaz El Arab — organisation affiliée à Junior Achievment WorldWide —, qui lance depuis 2004 un compétition internationale pour booster la créativité et l'innovation chez les jeunes de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord), les jeunes étudiants de l'ENSTP créent une entreprise pour la fabrication de compost de fertilisation des sols. «Après une longue séance de Brainstorming, le groupe de l'école a opté pour la création de la Green Environment Compagny (GEC)», se félicite Karfa Abdessalem, membre du projet. Selon ce dernier, l'objectif de la séance de travail était de trouver la meilleure idée d'entreprise présentant le plus grand impact social et environnemental. «On a d'abord mûri l'idée, puis fait une étude de marché et réfléchi sur la faisabilité de la chose. Et, en fait, on a trouvé que produire du compost à partir des déchets ménagers avait plusieurs avantages sur l'écologie, l'environnement et que ça avait même un intérêt commercial certain», explique le jeune étudiant. L'idée adoubée, la jeune équipe se met vite au travail. Première étape : le tri et le ramassage des déchets organiques. «Nous avons commencé par ramasser les ordures au niveau de nos cités universitaires. Nous avons également collecté ceux du quartier Jolie Vue de Kouba. Et comme on avait besoin de plus de matières organiques, on a aussi fait les marchés des fruits et légumes des environs», raconte gaiement Abdesselam. Après avoir collecté la quantité de déchets jugée nécessaire, les jeunes futurs promoteurs s'appliquent de longues heures à trier leur récolte. «Le plastique d'un côté, le carton de l'autre et les déchets organiques sont précieusement gardés. De toutes ces matières recyclables, on avait surtout besoin de la dernière car elle constitue l'élément central de notre projet, la fabrication de compost», explique-t-il. Pour stocker ce futur fertilisant naturel, les jeunes étudiants de l'ENSTP font valoir leur ingéniosité. «On a récupéré les vieilles chaises et meubles de l'école. Le bois usé a été retravaillé et on en a fait des enclos pour le stockage», s'en amuse-t-il. Ainsi, des carrés sont mis en place pour accueillir le mélange à laisser fermenter. «On a mis plusieurs couches de déchets organiques intercalées par d'autres couches d'herbes sèches. C'est pour garantir l'aération du compost», insiste-t-il. Et pour que le produit prenne rapidement la consistance souhaitée, les grands écoliers se sont mis à table. Sur des pupitres, ils se sont installés à tour de rôle pour hacher menu, au couteau aiguisé, les déchets organiques. Marketing «On a remarqué que lorsque les déchets sont émiettés, le compost mûrit plus rapidement. Le processus de fermentation va plus vite», explique un autre membre de l'Ecole. «L'un des indices révélant la maturation du produit est l'apparition des vers», indique le porte-parole du GEC. Après la production du compost naturel, en brut, l'équipe du Green Environment Compagny s'intéresse à l'aspect marketing du projet. «Lors de notre étude de marché, nous avons remarqué que seules quelques entreprises produisent les engrais organiques. Essentiellement, ces engrais et ceux chimiques sont importés. Et sur le marché, ces fertilisants sont présentés dans des sacs de 50, voire 100 kg. Cela n'arrange pas les particuliers aux mains vertes qui aiment jardiner dans leur potager ou simplement garnir leurs balcons de plantes», relève encore Abdesselam. Forts de ce constat, les jeunes du GEC ont décidé de créer un emballage de 1 et 2 kg de compost naturel. «On a vu un pépiniériste à Alger, il était très séduit par l'idée. Il nous a même commandé toute la marchandise qu'on peut produire. Mais, pour l'instant, notre entreprise n'est pas encore à but commercial. C'est juste pour participer au programme Injaz El Djazair», déclare amusée l'accompagnatrice du porte-parole. Dans un joli emballage en carton, la photo de fruits et légumes en bonne forme repose sur un blanc immaculé révèle la marque : Bioco, pour compost biologique déjà labellisé 100% organique. «On a fait beaucoup d'efforts pour le design. On est conscients que l'emballage est parfois déterminant pour la réussite du produit», affirme Abdesselam. Et le rendu et plus qu'agréable. «On est réellement convaincus que notre produit est très viable économiquement. Il est même d'utilité publique. Car, il s'agit en même temps de tri et recyclage d'ordures, ce qui permet de nettoyer l'environnement. Comme c'est un produit purement biologique, donc écologique, il est sans aucun risque sur la production agricole, les fleurs, les plantes, mais aussi et surtout les sols. Il est aussi une solution très simple et peu coûteuse pour la réduction de l'importation des engrais organiques qui coûtent beaucoup d'argent à l'Etat et aux producteurs», argumente le jeune étudiant de l'ENSTP. Voilà donc une idée qu'on peut aisément qualifier de «simple mais à laquelle il fallait y penser». Dans un pays qui recycle seulement 25% des 10,3 millions de tonnes de déchets domestiques produits annuellement, le concept vaut son pesant d'or. «Mais nous ne sommes pas encore une entreprise. On a juste configuré notre entité en Société par actions, sans avoir encore déterminé le prix des actions. On espère trouver des investisseurs sensibles à nos valeurs. Et en plus, notre entité est créée exclusivement pour le concours, nous n'avons pas de statut légal. Plus tard, il nous faudra un registre de commerce et toutes les formalités y afférentes», explique Abdesselam. Voici donc un projet qui ne pourrait être recalé par les organismes publics d'aide à la création d'entreprises tels que l'Ansej. ça change un peu des dossiers déposés pour la création de sociétés de transport ou de location de véhicules.