La forêt de Bouchaoui, les salles de fitness et les revendeurs de matériels de sport sont là pour en témoigner : nous voulons tous et toutes avoir un ventre plat et/ou des cuisses musclées. Une évolution de la société qui trahit aussi une évolution des valeurs. 17h30, sur les hauteurs d'Alger. Des sportifs affluent dans une salle de sport fraichement ouverte. Gazon synthétique à l'entrée, intérieur moderne et soigné, ici la clientèle est plutôt jeune. «70% de nos adhérents ont entre 25 et 35 ans», nous précise-t-on. La salle de fitness, avec jeu de lumières et sonorisation, peut accueillir jusqu'à 60 personnes. La «totale», pour une expérience plus proche de «la boîte de nuit que de la gym», dixit le coach qui motive les troupes. «Régulièrement, on refuse du monde», ajoute-t-il. Fitness, cardio-training, les jeunes Algérois sont curieux et veulent tout essayer. Le nouveau cours de «spinning», un entraînement en vélo fixe, en groupe et en musique, fait un carton. Ouverte depuis quatre mois, la salle envisage déjà l'achat de quinze nouveaux vélos, l'installation d'une buvette et d'une salle de massage. «Les clients veulent maigrir, se muscler, ressembler aux stars qu'ils voient à la télévision», nous raconte le coach sportif avec en arrière-plan Beyoncé qui se déhanche sur un écran géant. «Ce qui a changé, c'est que les gens consacrent maintenant régulièrement du temps au sport. Ce phénomène est très récent, alors qu'en Tunisie par exemple le fitness a du succès depuis longtemps.» Les salles de sport se développent un peu partout à Alger et il y en a pour tous les goûts, pour chaque budget. De la salle de sport sans musique et non mixte à la salle de fitness avec spa et massage, difficile d'échapper au phénomène. Pour s'en convaincre, il suffit d'aller faire un tour au marché d'El Hamiz, près de Dar El Beïda. Les revendeurs de matériels de sport y sont de plus en plus nombreux. «Ce n'est pas tant la demande que l'offre qui ont évolué, explique Khaled, vendeur de matériel de fitness et de musculation. Depuis quelques années, il y a eu une arrivée de marchandises en provenance de Chine notamment.» Le matériel (ballons, vélos d'appartement, rameurs, etc.), jusque-là introuvable, a commencé à inonder le marché national. «C'est vrai que les prix sont abordables, mais la qualité est variable», nuance M. Rano, propriétaire d'une boutique d'articles de sport au centre d'Alger et qui vient se fournir à El Hamiz. Car il y a différentes gammes de produits chez les industriels chinois, du haut de gamme au très mauvais, le revendeur doit ainsi trier les magasins importateurs selon leur probité. «Il y a une prise de conscience. Nos clients voient le sport comme un atout beauté. Aussi bien les femmes que les hommes. Ce que je vends le plus ? Des machines pour faire travailler les abdos. Les clients veulent un ventre plat !» Individualisme Ce nouveau marché attire les géants de l'industrie du sport, comme Nike, en Algérie. Bien qu'il s'abstienne de fournir un quelconque chiffre, Raouf Sari, chargé des relations publiques de Playmode, représentant officiel et exclusif de Nike en Algérie, admet que «le marché est déjà important» et qu'«il a une marge de progression certaine». Présente depuis quelques années, l'entreprise tente d'inciter les Algériens à pratiquer le «running», un sport qui permet de maintenir une bonne forme physique à moindre frais. «Quand on a commencé il y a trois ans, il n'y avait pas de runners», se souvient Raouf Sari. Aujourd'hui, le running club de la forêt de Bouchaoui est archicomble, si bien qu'un nouveau club ouvrira aux Sablettes d'Alger dans les prochaines semaines. Preuve que ce marché a du potentiel, la marque à la virgule va s'impliquer dans le fitness d'ici la fin de l'année. «On avance step by step», concède-t-il prudemment. Mode passagère ou changement en profondeur de la société algérienne, pour le sociologue Noureddine Hakiki, «la société algérienne aspire à la modernité», c'est une évolution nécessaire et positive pour «lutter contre l'irrationalité». A travers ces activités sportives, c'est tout un mode de vie qui émerge et converge vers «des valeurs individuelles qui se sont imposées en dehors des clubs et des associations. Et les salles de sport ont répondu à ces nouveaux besoins notre société algérienne».