Avec l'entrée en lice du Premier ministre en qualité que militant et la nomination de plusieurs ministres en exercice au comité central, le FLN conforte sa mainmise sur la scène politique nationale. L'entrée par parachutage de plusieurs ministres du gouvernement Sellal au comité central du FLN et la gratification du Premier ministre de la qualité de militant du parti, ajoutées à la nomination au sein du CC du secrétaire général de la présidence de la République sont autant de signaux politiques qui balisent l'action de ce parti pour les prochaines années. D'appareil du pouvoir, investi d'une mission spéciale de gourou de la scène politique et partisane dont le secrétaire général, Amar Saadani, a assumé la tâche sans état d'âme, le FLN a reconquis, à la faveur de son dernier congrès, son statut de parti-Etat à défaut d'être le parti-nation ; un titre qu'il a perdu avec l'avènement du pluralisme. Lorsque le président de la République, qui ne ratait jamais une occasion – sans trop convaincre – de dire qu'il est le Président de tous les Algériens, accepte sans s'astreindre aux formalités les plus élémentaires du militantisme le poste de président du parti, après avoir occupé la fonction symbolique de président d'honneur, le geste tient plus du calcul et de la manœuvre politique que de la nostalgie pour le FLN historique. La même remarque vaut tout aussi bien pour le secrétaire général de la présidence de la République. C'est en effet une première depuis la suppression de l'article 120 des statuts du FLN faisant obligation aux cadres et hauts fonctionnaires de l'Etat ainsi qu'aux hauts gradés de l'ANP d'avoir leur carte du parti. L'Exécutif n'est pas en reste de cette reconfiguration des rapports entre le FLN et les institutions. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, n'avait-il pas qualifié son gouvernement de «technocrate» en prenant soin de préciser, pour lever les suspicions, qu'il n'était militant d'aucun parti ? Que s'est-il alors passé lors de ce congrès pour que lui et un pan entier de son équipe gouvernementale passent aussi allègrement, avec armes et bagages, dans les rangs du FLN ? La question vaut d'être posée d'autant que ces nouveaux membres du CC du FLN, avec à leur tête M. Sellal, ont été sortis du chapeau du cabinet noir qui a confectionné la liste du CC. Ils ont été nommés dans cette instance non pas en tant que militants – ce qu'ils ne sont pas – mais à titre ès qualités, en tant que ministres. Le choix personnel, les convictions, le programme du parti, tout cela n'a sans nul doute rien à voir dans leur enrôlement au sein du FLN et leur désignation, car c'est bien de cela qu'il s'agit, au sein du CC. Pourquoi ces ministres – de l'Habitat, de l'Agriculture, de l'Enseignement supérieur entre autres – et pas d'autres parmi les membres du gouvernement sans parti ? Ces départements ministériels, gérés désormais par des cadres du FLN qui s'assumeront en tant que tels – ils engagent aussi leur parti dans le bilan de leur gestion – n'ont pas été choisis au hasard, pour remplir des cases vides. Leur portée sociale n'est pas à démontrer en tant que secteurs névralgiques en prise directe avec les préoccupations des citoyens. La distribution de logements sociaux, les crédits agricoles, la jeunesse sont autant de gisements électoraux à ne pas dédaigner. Le FLN, qui a investi le palais d'El Mouradia en prêtant allégeance à Bouteflika intronisé en tant que président du parti, veut faire de ces dossiers sa force de frappe, son bas de laine électoral pour les batailles politiques futures. La réconciliation entre le FLN et le gouvernement Sellal – accusé par Amar Saadani d'avoir usurpé l'Exécutif et le poste de Premier ministre qui revient, selon lui, de droit au FLN en tant que parti majoritaire – semble s'être scellée autour de la question de la succession à Bouteflika. Avec désormais un Premier ministre FLN et une majorité de départements ministériels dirigés par des ministres FLN, le parti prend politiquement des galons et M. Sellal se voit conforté dans son poste avec la caution du FLN qui lui est désormais acquise. Ce qui vient de se passer au dernier congrès du FLN replonge l'Algérie dans les ténèbres de l'ère du parti unique. Les dés sont jetés. Avis aux walis, aux fonctionnaires, aux diplomates, aux chefs de région et des services de sécurité qui n'auront plus, à présent, à se formaliser pour se ranger comme un seul homme derrière le FLN, incarné par le président Bouteflika.