Au terme d'un long et laborieux processus de négociations, le gouvernement malien et la rébellion du Nord sont parvenus à un accord de paix. Après l'engagement solennel, hier, des parties en conflit, il reste la mise en œuvre des termes de cet accord dans ses dimensions sécuritaire, politique et économique. Une étape aussi importante que décisive. Si la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) – principal acteur de la rébellion – s'est résout à signer l'accord, il n'en demeure pas moins que des obstacles demeurent et que le contexte sécuritaire dans la région du Sahel complexifie l'issue de la crise. «Nous sommes conscients des difficultés, la situation est complexe, en raison des enjeux et des forces en présence, mais la réconciliation est possible», reconnaît un diplomate qui a joué un rôle important dans les négociations. «Il faut régler avant tout les problèmes que soulève la CMA. Ce sont des obstacles majeurs. Il y a d'abord le sort des combattants et les prisonniers touareg et le déploiement de l'armée malienne dans le Nord qu'il faudra négocier minutieusement», ajoute encore le diplomate. Si l'accord prévoit une «libre administration», une forme avancée d'autonomie pour la région du Nord, les stigmates des années de «guerre» avec son cortège des victimes pèsent sur les esprits. Cependant, les deux parties, le gouvernement malien et la Coordination du peuple de l'Azawad, ont fini par admettre qu'il n'existe par d'autre alternative. Elles sont condamnées à la paix. Les négociations d'Alger ont mis en place un cadre stratégique global pour le règlement de la crise. La rébellion du Nord a compris que la «médiation d'Alger est crédible en lui offrant des avantages». L'organisation de Bilal Ag Chérif sait pertinemment que la situation dans le Nord est tellement mouvementée qu'elle risque d'y perdre le contrôle. La possibilité d'être doublée à sa droite par d'autres tendances qui, elles, ont signé l'accord «sans trop d'hésitation» est plausible. De l'autre côté, le gouvernement malien lui non plus n'est pas à l'abri des soubresauts internes. La faiblesse de l'Etat central malien en raison d'instabilité politique et d'absence de cohérence et la déficience structurelle de l'armée qui n'arrive pas à se relever de la défaite de mai 2014 ne laissent pas une marge de manœuvre au gouvernement et ni beaucoup de choix. «Si l'accord n'est pas signé et ne trouve pas sa traduction dans la réalité, c'est la partition du Mali assurée», avait prévenu un des acteurs de la médiation d'Alger. L'armée malienne avait eu tort de s'appuyer sur le mouvement de Gatia, assure-t-on dans l'entourage de la médiation. Cette milice qui a lancé des assauts au Nord libérant des espaces pour l'armée gouvernementale «est de connivence avec les groupes terroristes, notamment le Mujao». En tout cas c'est une démarche que «la communauté internationale qui parraine la médiation d'Alger n'acceptera pas, encore moins l'Algérie», assure-t-on. Le rôle-clé de la diplomatie algérienne Assurément et de l'avis de nombreux acteurs internationaux, le rôle de la diplomatie algérienne, conduite par Ramtane Lamamra, a été déterminant dans les négociations intermaliennes. Un succès salué par toute la communauté internationale. Le chef de la diplomatie algérienne «a été d'une force de persuasion rare par son engagement total. Il a mis sa capacité de négociateur au service d'une paix qui n'était pas à portée de main», a salué un diplomate occidental. Contrairement à ce que lui pronostiquaient certaines «voix off…», Ramtane Lamamra, à force de ténacité et de persévérance, «ne s'est pas cassé les dents» au Mali. Mieux encore, il a eu droit aux compliments des grandes puissances. Le soutien de la communauté internationale a été aussi d'un apport considérable pour l'aboutissement des négociations. «C'est l'un des rares accords qu'un pays comme la France a soutenus sans avoir à le négocier au préalable», se réjouit un diplomate algérien. «Par humilité, il faut dire que c'est grâce à la médiation de l'Algérie que cet accord a pu aboutir, la communauté internationale l'a soutenu parce qu'il est crédible et sérieux. L'accord est d'une portée stratégique pour le Mali et toute la région, sans cela c'est le statu quo qui s'éternise et qui ouvrira sans doute la voie à tous les dangers», atteste l'ambassadeur d'Algérie au Mali Noureddine Ayadi. Il se dit optimiste pour l'avenir, à condition que toutes les parties maliennes et internationales s'impliquent sérieusement pour la mise en œuvre des termes de l'accord. Car la signature de l'accord hier à Bamako ne signifie pas la fin de la crise, mais traduit la détermination des protagonistes à s'engager résolument dans le règlement d'un vieux conflit. En plus de l'aspect sécuritaire et politique, qui sera sans doute un vrai casse-tête, il reste l'épineux problème du développement économique dont souffrent les populations du Nord depuis l'indépendance du Mali. Si l'accord prévoit des projets structurants, il faudra un effort considérable pour réunir les fonds nécessaires. La conférence internationale sur le Mali avec la participation de la Banque mondiale et le Fonds monétaire international est prévue dans les prochains mois. Le comité de suivi présidé par l'Algérie a déjà mis en place un agenda et les modalités pratiques pour parvenir à stabiliser une paix qui reste fragile. Il ne faut pas perdre de vue que la paix au Mali n'arrange pas les intérêts de certains «acteurs» dans la région. Le Sahel regorge de cartels de la drogue en connexion avec les groupes terroristes. «Il y a des intérêts criminels, ceux-là à l'évidence un accord de paix ne les arrange pas», assure un diplomate. En somme, cet accord, comme l'a souligné le chef de la diplomatie algérienne, hier à Bamako, «est un nouveau départ pour le Mali».