Faut-il parler d'un nouveau couac dans la communication gouvernementale avec cet aveu du ministre du Commerce, Amara Benyounès, annonçant, dimanche à partir d'Oran, ne pas être au courant du projet d'installation d'une usine de fabrication de véhicules de marque Peugeot ? «Je ne sais pas de quoi il s'agit ; le dossier n'a pas été traité», a confié le ministre. Pourtant, il y a quelques jours, le président français, François Hollande, lors de sa brève visite officielle en Algérie, s'était empressé de révéler avec un certain enthousiasme l'implantation de la marque au lion en Algérie, précisant que le projet est entré dans sa phase active et que «les négociations sont bien avancées». Le constructeur automobile français a confirmé le «scoop» livré par le président français. Curieusement, cette information n'a pas été relayée, comme attendu, par la partie algérienne. Le traitement plutôt tiède réservé à ce projet dans les milieux officiels algériens contraste singulièrement avec le renfort de publicité dont avait bénéficié le lancement de l'usine Renault de Tiaret. Le premier responsable algérien concerné par ce projet, le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdessalem Boucheouareb – qui ne rate jamais l'occasion de vanter l'attractivité de l'économie algérienne pour les investisseurs étrangers – a observé étrangement un silence inexpliqué jusqu'à hier, où il s'est exprimé pour la première fois sur ce dossier dans une déclaration à l'agence officielle de presse APS, confirmant que «des discussions ont lieu actuellement avec le groupe PSA». Sa réaction apparaît, selon toute évidence, inspirée par les propos du ministre du Commerce qui pouvaient laisser penser qu'il s'agit d'un projet virtuel. Ce n'est pas la première fois que la cohésion gouvernementale prend du plomb dans l'aile. Il est difficile de croire qu'un ministre du Commerce ne soit pas informé de la teneur d'un dossier dans lequel son ministère est censé être directement impliqué. Que signifie alors toute cette cacophonie ? La réponse très diplomatique du ministre du Commerce, qui a évité de se mouiller dans ce dossier, trahit, en tout cas côté algérien, un malaise certain justifié manifestement par la faible consistance du projet algérien. La signature du projet Peugeot de Kenitra au Maroc avec des capacités de production qui n'ont rien à voir le projet Algérie, une stratégie commerciale tournée vers l'exportation et la conquête du marché africain et du Moyen-Orient, le taux élevé d'intégration, des emplois par milliers, tout cela a laissé, selon toute vraisemblance, un goût amer auprès des responsables algériens. La pilule de l'usine Symbol n'a pas encore été digérée chez nous en comparaison avec les performances de l'usine Renault implantée au Maroc, qu'un autre constructeur automobile français de renom fasse le même choix de préférer ce pays à l'Algérie pour ses investissements structurants dans notre région. Le moins que l'on puisse dire est que les choix économiques des opérateurs français ne sont pas au diapason avec les déclarations politiques de bonnes intentions du gouvernement français réitérées au plus haut niveau cette semaine encore à Alger par François Hollande. Il est clair que pour des raisons politiques évidentes que l'on sait, les autorités politiques algériennes s'abstiennent de toute réaction face au double langage des Français. Le partenariat gagnant-gagnant ? Une chimère. Sur les réseaux sociaux, les Algériens se lâchent pour dénoncer ce marché de dupes. Le couple algéro-français a beau se jurer amour, respect et fidélité, mais dans les faits, le cœur des Français sait de quel côté balancer devant des choix stratégiques.