Le même scénario s'était produit, on s'en souvient, lorsque le groupe Renault avait mis en chantier l'usine de Tanger avant d'être poussé par l'octroi de mirobolants avantages à réaliser l'usine de montage de la très controversée Symbol de Tlélat (Oran). Quelques heures après l'arrivée de François Hollande à Alger, Peugeot annonçait officiellement et à grand renfort médiatique son intention d'implanter en Algérie une usine de production automobile, en omettant toutefois de préciser le montant de l'investissement, la capacité de production, le type de véhicule à construire et le lieu d'implantation. Des précisions qui, par contre, furent rapidement apportées s'agissant de l'usine qui sera implantée au Maroc. L'accord signé le 19 juin 2015 à Rabat, en présence du souverain marocain, précise en effet que Peugeot investira 557 millions d'euros dans ce projet implanté sur la côte ouest, plus précisément à Kénitra, pour produire dès le début de l'année 2019 pas moins de 90 000 véhicules et moteurs chaque année. Les performances productives visent à atteindre à terme 200 000 unités à l'horizon 2022. Des véhicules essentiellement destinés aux pays du Maghreb et du Moyen-Orient. Plus de 4000 emplois directs seront offerts au terme de la plénitude de production de cette usine qui utilisera environ 60% de pièces et accessoires produits par des sous-traitants marocains. Autant l'annonce de l'implantation d'une usine au Maroc est précise, autant celle portant sur l'intention du groupe PSA d'en réaliser une autre en Algérie est floue, voire même laconique. D'où la question de savoir si le constructeur français ne visait pas par cette déclaration d'intention à éviter le «syndrome Renault» à l'origine d'une véritable crise diplomatique qui a permis à l'Algérie d'arracher, moyennant l'octroi de gros avantages, la construction de l'usine de montage d'Oran. Tout porte à croire que c'est vers ce type de démarche que l'Algérie et le constructeur français vont prochainement s'engager. Peugeot va chercher à engranger le maximum d'avantages et de protection, tandis que l'Algérie se contentera, comme ce fut le cas avec Renault, du prestige de posséder, comme son voisin marocain, une usine d'automobiles supplémentaire. Peugeot pourrait ainsi bénéficier d'un terrain subventionné à sa convenance, de la participation de l'Algérie au financement d'une part importante de l'investissement, la certitude de vendre les véhicules produits en faisant injonction, comme pour la Symbol, aux entreprises et institutions publiques de les acheter, et l'octroi de nombreux avantages fiscaux et parafiscaux. Au moment où un lourd contentieux financier tend à brouiller les relations des autorités algériennes avec la filiale du groupe PSA installée en Algérie, l'annonce d'un tel projet est de nature à calmer les ardeurs du fisc algérien et de la Banque d'Algérie qui réclament le recouvrement d'importantes dettes fiscales et de transferts indus (bénéfices réalisés à l'étranger). En plaçant son projet sur le terrain politique, le groupe PSA sait qu'il pourra tirer du gouvernement algérien d'énormes avantages, avant de passer à la mise en chantier, et comme le rapporte à juste raison un collègue de la presse française : «Plus Bouteflika durera au pouvoir, et plus les intérêts français auront de chance d'être sauvegardés, d'où l'empressement de François Hollande à lui trouver de nombreuses vertus». Il est en effet évident que tant que les ressources financières seront disponibles, les autorités algériennes n'hésiteront pas à mettre généreusement la main à la poche, l'important étant que cette usine à forte retombées politiques se réalise.