Cinq ans après les attentats du 11 septembre 2001, les autorités américaines n'ont pas fait toute la lumière sur les tenants et aboutissants de la conspiration. L'engagement du président George Bush de faire arrêter et présenter à la justice les têtes pensantes des attaques contre le World Trade Center n'a pas été tenu. Les familles de victimes de la tragédie du 11 septembre, regroupées en associations, ont vainement tenté par le biais de cabinets d'avocats d'accéder aux dossiers constitués par les différents services de sécurité américains dans le cadre de leurs enquêtes sur les attentats contre les tours jumelles. Au-delà de la piste Al Qaîda, les familles de victimes, qui ont initié des investigations parallèles à celles des institutions officielles, ont cherché à identifier les personnes qui ont aidé à concevoir et surtout à financer les actions terroristes contre le World Trade Center. Au nombre de celles-ci, figurent de nombreux dignitaires et hommes d'affaires saoudiens qui avaient versé des fonds à Oussama Ben Laden sous couvert de contributions à des œuvres caritatives que le chef suprême d'Al Qaîda utilisait comme façade pour ses activités occultes en Arabie Saoudite, puis après qu'il en eut été chassé par les autorités royales, au Soudan où le régime islamiste de Khartoum l'avait reçu à bras ouverts, sur la recommandation pressante de Hassan Tourabi, maître à penser de l'internationale intégriste. Homme-relais Avant d'être banni du royaume saoudien, Oussama Ben Laden avait été un homme influent en raison du poids de sa famille et des liens qu'il avait tissés au sein de la famille dirigeante et des milieux d'affaires qui le soutiendront à fonds perdus lorsque, après la guerre du Golfe, il lancera des prêches incendiaires contre la présence massive des troupes américaines en Arabie Saoudite. Inquiets de la montée en puissance de la campagne menée contre eux par Oussama Ben Laden et les cercles religieux qui lui emboitaient le pas, les Etats-Unis firent pression sur le cabinet royal pour obtenir que Ben Laden soit réduit au silence. Dès le début des années 90, les services secrets américains n'ignoraient pas qu'Oussama Ben Laden, qui avait été l'un de leurs relais lors de l'invasion de l'Afghanistan par l'armée rouge soviétique, était devenu leur mortel ennemi. Ce retournement a posé un problème non seulement à l'Amérique, mais aussi à l'Arabie Saoudite qui voyait peser une menace aux conséquences incalculables sur leurs liens privilégiés et stratégiques avec les Etats-Unis. Mais les Américains n'étaient pas dupes du fait que cet irréductible ennemi n'avait pu agir qu'avec la bienveillance d'acteurs de décision du royaume qui l'avaient laissé collecter l'argent nécessaire aux entreprises de déstabilisation qu'il avait en projet. Pour les familles de victimes des attentats du 11 septembre, c'est vers les financiers de Ben Laden, connus des services de renseignements en Amérique autant qu'en Arabie Saoudite, que la justice américaine doit se retourner. Les requêtes de leurs avocats en vue d'interroger des banquiers saoudiens qui avaient versé des fonds à Oussama Ben Laden n'ont jamais abouti, pas plus que leurs efforts pour en savoir plus sur l'implication de l'Etat saoudien, ou d'Etats tiers, par leur passivité. La justice américaine n'est en fait pas en mesure de conduire à la barre, dans un procès instruit en Amérique, des personnalités étrangères qui n'accepteront pas de se rendre à l'injonction d'une juridiction dont ils ne dépendent pas. Cela est d'autant plus exclu lorsque les personnalités évoquées par les avocats des familles de victimes ont exercé, au moment des faits, d'éminentes responsabilités politiques. Les doléances des familles de victimes seraient de nature à entrer en collision violente avec la raison d'Etat. Les liens entre l'Amérique et l'Arabie Saoudite sont si imbriqués, qu'aucun Exécutif, de part et d'autre, n'emprunterait la voie aventureuse de l'affrontement. Les intérêts attachés à cette relation stratégique sont si colossaux qu'ils justifient que même le président George Bush se soit montré moins déterminé, ces dernières années, à tenir la promesse solennellement faite de mettre la main sur les inspirateurs de l'attaque contre le World Trade Center. Comme Oussama Ben Laden, ses commanditaires courent toujours.