Les défenseurs de la «chkara» montent au créneau. A la veille de l'entrée en vigueur de la mesure imposant le paiement par chèque pour toutes les transactions dépassant un million de dinars, prévue pour aujourd'hui, ils affichent leur opposition à la décision et s'en prennent au ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa. C'est au sein du groupe parlementaire FLN qu'une voix s'élève pour afficher l'opposition du parti à l'application de cette mesure. Il s'agit du chef du groupe parlementaire FLN à l'Assemblée populaire nationale (APN), Mohamed Djemaa, un des représentants de ces milieux d'affaires et du pouvoir de l'argent qui a réussi à entrer au Parlement. Dans une interview accordée hier au journal électronique TSA, le député de Tébessa, à l'extrême est du pays, défend bec et ongles le maintien de la «chkara» (ces sacs noirs avec lesquels on transporte de grosses sommes d'argent), arguant que l'application du paiement par chèque «n'est pas une priorité dans le programme du président Bouteflika». «Le groupe parlementaire FLN soutient l'ensemble des mesures et dispositions qui peuvent faciliter la vie aux citoyens algériens, mais s'oppose fermement à toute disposition contraire à ce principe. Et dans ce cadre, le ministre des Finances, avec tout le respect qu'on lui doit, lorsqu'il veut imposer n'importe quelle décision ou disposition, il faut qu'il fasse en sorte que la mesure en question émane d'une véritable étude, d'une étude de terrain, d'une étude qui s'intéresse à la réalité économique de notre pays», soutient-il. Oubliant sciemment que la mesure date de 2006 et que son application a été ajournée à deux reprises, le député de l'ex-parti unique se perd dans son argumentaire pour justifier la position saugrenue de son parti. Sans donner de solution, il avance tantôt l'incapacité des banques à appliquer cette mesure, tantôt le contexte économique et les habitudes de la société. «S'il (ministre des Finances, ndlr) veut créer un déséquilibre et une anarchie au sein du marché national, qu'il applique de fausses mesures comme celles-ci. Je peux dire que ce sont des mesures improvisées, prises dans la précipitation parce qu'elles ne s'appuient pas sur de véritables études de terrain», estime-t-il. Selon lui, nos banques n'ont pas les aptitudes pour appliquer cette décision. Et d'appuyer : «La manière avec laquelle cette mesure a été prise est de nature à créer une véritable anarchie au sein du marché. La gestion de nos banques se fait de manière traditionnelle. Nos banques ne sont que de simples boutiques.» Mohamed Djemaa interpelle, dans la foulée, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal : «Au groupe parlementaire FLN, nous refusons de manière claire l'application de la mesure relative au paiement par chèque parce qu'elle portera préjudice à la vie des citoyens d'un point de vue social, économique et commercial. J'interpelle à ce propos, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, pour qu'il y ait de véritables études sur la réalité économique de l'Algérie. Est-ce que l'on peut appliquer le paiement par chèque sans avoir de banques ?» ajoute-t-il. Abdelmalek Sellal écoutera-t-il le groupe parlementaire FLN et déjugera encore une fois son ministre ? Pourquoi le FLN s'oppose-t-il à cette mesure qui entre, dès ce matin, en vigueur ? Les signes de faiblesse montrés par le gouvernement sont, en tout cas, à l'origine de cette montée en puissance des conservateurs et du pouvoir de l'argent. Avant le paiement par chèque, ils ont déjà réussi à bloquer, au Sénat, le projet de loi contre les violences faites aux femmes, comme ils ont réussi à faire annuler la mesure concernant le commerce de gros des boissons alcoolisées.