C'est un phénomène qui prend chaque jour de l'ampleur. On les rencontre partout, jeunes et moins jeunes des deux sexes, assis devant les portes des boulangeries, près des mosquées et des restaurants. Quelquefois en groupes, ils investissent certains quartiers « chics » pour remplir la sébile… Notre petite enquête a donné les résultats suivants : Dès 8 h, une camionnette venue des régions avoisinantes et transportant un groupe hétéroclite, s'arrête juste à l'entrée du quartier Aïn Dheb. Les voyageurs se dispersent à travers la ville pour reprendre leur « travail », les trottoirs des grandes artères sont occupés par des femmes assises à même le sol, entourées de deux ou trois chérurbins mal vêtus et pieds nus. D'autres femmes, de gros paniers à la main, prennent place juste devant les portes des boulangeries. Un moment d'attention et vous remarquez que les paniers sont vite remplis, car la clientèle, en sortant du magasin, offre toujours des miches à la vue de ces êtres pitoyables. Mais ces paniers par miracle deviennent vides et le manège reprend de nouveau. Ces femmes, la plupart du temps, louent des petits enfants pour apitoyer les passagers. Parfois, elles vous tendent une ordonnance et vous réclament de l'argent pour l'achat de médicaments. Un père de famille m'a signalé avoir vu ces ordonnances circuler pendant des mois. Pour les hommes, les cafés et la poste restent leurs lieux de prédilection. A tous moments, les consommateurs sont harcelés et quand ils n'obtiennent pas satisfaction, ils vous toisent d'un regard hargneux. Certains refusent la nourriture et les vieux habits que les âmes charitables leur donnent. On se rappelle toujours de ce père de famille qui se rendait chaque matin en ville pour demander la charité. Pourtant, cette personne possédait beaucoup de biens dans une commune voisine. Il avait pris l'habitude avant de se rendre au « travail » de mettre de vieux habits. Ce scandale a pu être étouffé avec l'intervention énergique de son fils et ce père n'a plus réapparu en ville. 16 h : chacun se rend dans un magasin préféré pour échanger les pièces contre des billets.Le patron d'une épicerie qui reçoit régulièrement ces personnes me signale que la recette journalière est de 700 à 1000 DA. C'est rentable, puisque cette vieille rencontrée au marché hebdomadaire de Berrouaghia a quitté le centre de vieillards pour s'adonner à la mendicité. 17 h : tout le monde se rassemble à la sortie de la ville pour attendre la fameuse camionnette qui transportera ses « clients » vers leurs demeures respectives.