Dans une étude où il analyse la politique en Algérie sous le prisme «sociodémographique», le sociologue et chercheur, Nacer Djabi, développe une grille de lecture qui oppose trois générations. Il y a la première, «la génération du pouvoir». Ils sont aux commandes depuis 1962. Ils sont les seuls à détenir le pouvoir décisionnel. La deuxième génération est celle de la gestion. Ce sont les «post-indépendance», cadres et autres gestionnaires de l'Algérie économique et sociale, mais qui est confinée à la seule administration et exécution. «Ils attendent que les anciens cèdent le pouvoir, mais la cohabitation est plus ou moins harmonieuse, car ils patientent dans le silence, la crainte et le respect de ces aînés, héros glorifiés et autoglorifiés», explique le sociologue. Cette frange est une génération «sandwich», qui fait tampon entre la première et la troisième. Cette dernière est la plus imprévisible. C'est justement plus ou moins cette «génération Y», apparue dans les années 1980. Elle a grandi à travers plusieurs crises, socio-économiques, politiques, sécuritaires. «C'est la génération en totale rupture avec les valeurs des aînés, mais aussi leur mode de revendication et d'expression, qui se fait à l'extérieur de toute structure organisée». L'antagonisme est établi entre la 1re génération et la 3e. Elles ont une vision exécrable l'une de l'autre. «Les premiers considèrent que les jeunes sont anarchiques, qu'ils n'ont aucun rôle, mais ils en ont aussi peur». Et cette contestation acerbe est grandement partagée, selon le sociologue. «Aux yeux des jeunes, les ‘'vieux'' sont à l'origine de la situation dans laquelle l'Algérie se trouve. Cette génération considère que ce sont des voleurs et des menteurs». La rupture semble ainsi palpable et le fossé profond. Mais ce n'est pas tout. Car le sociologue dégage, dans son étude, deux possibles scénarios à l'avenir du pays. «Le premier est celui de la transition paisible. Les tenants du pouvoir cèdent la place à la 2e génération. Le second est celui de la violence. Si la 1re génération refuse de quitter le pouvoir, il y aura confrontation entre celle-ci et la 3e. Qui se fera évidemment dans la violence, d'une part, et dans la répression, d'autre part».