Vivement taxé de passivité face à l'envolée de la facture des importations, le gouvernement vient d'enclencher par voie réglementaire le retour aux licences d'importation. Le texte de la nouvelle loi, n°15-15, a été publié au Journal officiel n°41 du 15 juillet 2015, vient modifier et compléter l'ordonnance n°03-04 du 19 juillet 2003 relative aux règles générales applicables aux opérations d'importation et d'exportation de marchandises. C'est l'annonce officielle du retour aux licences d'importation qui attribue au gouvernement le droit de prendre «des mesures de restriction» aux fins de «conserver les ressources naturelles épuisables conjointement avec l'application de ces restrictions à la production ou à la consommation, d'assurer à l'industrie nationale de transformation les quantités essentielles de matières premières produites sur le marché national». Ne souffrant d'aucune ambiguïté, le texte de loi tentera de répondre, à l'avenir, à une équation budgétaire aux multiples inconnues, imposée par une conjoncture peu enviable, marquée essentiellement par la déprime des marchés du brut. Ainsi, les licences d'importation portent sur la mise en œuvre de mesures «à l'acquisition ou la répartition de produits en prévision d'une pénurie, de sauvegarder les équilibres financiers extérieurs et l'équilibre du marché». En termes plus simples, le gouvernement s'accorde le privilège d'arbitrer les marchandises, leur valeur, ainsi que leur nécessité en fonction de paramètres tenant compte des équilibres financiers extérieurs. Il semblerait que l'Exécutif ait su tirer les leçons des fléaux qui gravitaient autour de l'acte d'importation, puisqu'il promet d'être désormais regardant sur la nature, les valeurs et les volumes des marchandises importées. C'est ainsi que la notion de paramétrage chiffré de la valeur, du volume et du poids des marchandises importées a été introduite. Dans ladite loi, il est indiqué que les produits concernés par les licences «ne sont pas refusés en raison d'écarts mineurs en valeur, en quantité ou en poids par rapport aux chiffres indiqués sur la licence, par suite de différences résultant du transport ou du chargement des marchandises non emballées, ou d'autres différences mineures compatibles avec la pratique commerciale normale». Autrement dit, les écarts majeurs en valeur, en volume et en poids des marchandises sont considérés suspects et en infraction aux chiffres arrêtés pour chacun des produits importés. Lutte contre les majorations Les écarts majeurs étaient synonymes, des années durant, d'actes de fraude, de majoration de facture et de volume, dont le but final était de s'octroyer des canaux de transfert de devises vers l'étranger. La chute des cours du pétrole brut a relancé le débat sur les limites des avoirs en devises stockés dans les banques souveraines, ainsi que sur la nécessité d'une orthodoxie budgétaire susceptible de limiter les effets du choc pétrolier sur les positions financières du pays. Cette nouvelle loi, n°15-15, a institué deux types de licences d'importation ; elles peuvent être «automatiques ou non». Ladite loi explique que les licences automatiques sont «accordées dans tous les cas suite à la présentation d'une demande et qui ne sont pas administrées de façon à exercer des effets de restrictions sur les importations ou les exportations» ; elles sont ouvertes à toute personne physique ou morale qui remplit les conditions légales et réglementaires, sont présentées n'importe quel jour ouvrable avant le dédouanement des marchandises, accordées dans une durée de dix jours maximum et peuvent être maintenues aussi longtemps qu'existent les circonstances qui ont motivé leur mise en œuvre. Les licences non automatiques sont celles qui ne doivent pas exercer, sur le commerce d'importation ou d'exportation, des effets de restriction ou de distorsion s'ajoutant à ceux causés par l'introduction de la restriction. Les procédures de licences non automatiques correspondent, quant à leur champ d'application et à leur durée, à la mesure qu'elles servent à mettre en œuvre et elles n'imposent pas une charge administrative plus lourde que ce qui est absolument nécessaire pour administrer la mesure, souligne encore le document. Tout opérateur économique, personne physique ou morale, remplissant les conditions réglementaires, a le droit de demander des licences et de voir sa demande prise en considération dans des conditions d'égalité. La durée de la licence non automatique est fixée à un mois, pouvant être prolongée de 30 jours supplémentaires. Il est précisé, par ailleurs, que la durée de validité des licences doit être raisonnable, n'empêchant pas les importations de provenance lointaine et que des cas spéciaux d'importations sont nécessaires pour faire face à des besoins à court terme. Dans le cas de contingents répartis entre pays fournisseurs, le nom du ou des pays doit être indiqué, clairement dans la licence. A travers cette loi, le gouvernement promet la neutralité dans l'application des règles relatives aux procédures de licences d'importation ou d'exportation. Il promet également justice et équité dans l'administration de ces mêmes règles. Soit. Pourvu que ces licences ne soient pas une bureaucratisation de plus de l'acte d'importer et d'exporter, voire un tremplin à des passe-droits, aux privilèges et au clientélisme.