Près d'une semaine après l'ultimatum donné par les 350 travailleurs et leur syndicat à la direction générale pour satisfaire, «sans attendre», certains points cruciaux de la plateforme revendicative, c'est toujours le «silence radio» à ArcelorMittal Pipes and Tubes Algérie (Ampta). Pis, le conflit qui dure depuis le mois d'avril va vers le pourrissement, car aucun des antagonistes n'est, décidément, près de lâcher du lest. La direction générale semble camper sur ses positions en renforçant les effectifs pour empêcher toute tentative de fermeture des portes d'entrée du complexe sidérurgique par les travailleurs. Aussi, la décision interdisant l'accès à l'usine dont ont fait l'objet Abdelghani Atil, président du comité de participation (CP) et Lotfi Farah, secrétaire général du syndicat d'entreprise Ampta, a été remise en branle, hier, après sa levée quatre jours auparavant. «Nous sommes, à nouveau, interdits d'accès à l'usine. Mieux, cette mesure a également touché, de manière indirecte, les travailleurs. Ils ont été sommés de laisser leurs véhicules à l'extérieur du complexe», nous apprend M. Farah. «La DG a choisi de répondre ainsi et les travailleurs sont plus que jamais déterminés à poursuivre le mouvement de grève jusqu'à satisfaction de leurs revendications. Pour l'instant, nous n'avons pas encore décidé des actions à entreprendre dans les quelques jours à venir», poursuit le syndicaliste, qui était en pleines discussions avec une vingtaine de travailleurs, regroupés dans un coin ombreux, à quelques mètres du gigantesque portail principal du complexe, là où les gardiens s'affairaient à filtrer les entrées des visiteurs après vérification de leur identité et contrôle des véhicules. Le mouvement de grève a été déclenché, rappelons-le, à la suite du rejet par la direction générale de toute négociation autour de l'augmentation salariale et de la nouvelle convention collective revendiquées début avril par les 350 travailleurs. La direction générale de la filiale Ampta, détenue à 70% par ArcelorMittal et le reste par Sider Group, dénonce une «grève illégale avec occupation des lieux». Pour l'employeur, le syndicat, qui refuse de se soumettre au règlement intérieur et aux dispositions de la convention collective, est resté étanche à toute proposition allant dans le sens d'une solution consensuelle et réaliste. «Depuis le déclenchement de la grève, nous avons formulé plusieurs propositions qui ont été toutes rejetées par les travailleurs. Nous avons répondu favorablement à 7 sur les 22 points revendiqués par le partenaire social. Celui-ci exige un relèvement à hauteur de 128%, soit 4000 DA/travailleur (fixe) alors que la situation de l'entreprise ne le permet pas et il en est conscient», s'indigne une source officielle de la direction générale. Pour le staff dirigeant de la filiale d'ArcelorMittal, il y a eu de nouvelles revendications syndicales, «dont le but est de déstabiliser l'entreprise». Entre les travailleurs et l'employeur, le dialogue s'avère ainsi impossible. Dialogue rompu A ce stade, un représentant de la direction générale parle d'un risque sérieux de fermeture de l'unité si une telle situation perdure. La menace de perdre les deux principaux clients de l'Ampta, Sonatrach et Sonelgaz en l'occurrence, étant aujourd'hui réelle. «Nous avons une commande s'élevant à plus de 20 000 tonnes, l'équivalent de plusieurs centaines de kilomètres, de tubes en acier sans soudure que nous devons honorer en deux ans. L'enjeu est peu négligeable ; il est d'abord économique mais aussi politique : il est question de l'alimentation de plusieurs régions du sud du pays en gaz naturel, et ce, sans parler des autres commandes de tubes, de haute précision, utilisés dans l'enveloppe des puits de forage gaziers et pétroliers de Sonatrach ainsi que ceux destinés au transport de gaz/pétrole et autres tubes de forage hydraulique. Sonatrach et Sonelgaz ont, elles aussi, des engagements contractuels vis-à-vis de leurs partenaires étrangers qu'elles sont tenues de respecter. Les grévistes ne mesurent-ils pas la portée de leurs agissements ?» s'interroge, amèrement, notre source de la direction générale d'Ampta. D'autant que pas moins de 4000 tonnes de produits finis s'en trouvent bloquées depuis des mois. En effet, le long arrêt de l'ensemble des activités de l'usine a rendu impossible leur expédition vers les clients, fera savoir l'employeur. Les travailleurs, eux-mêmes, reconnaissent les lourdes conséquences. «Mais ce n'est pas de notre faute», se justifient-ils. Il y aurait, selon eux, une correspondance adressée par la centrale syndicale au ministre de l'Industrie et des Mines dans laquelle l'UGTA se serait plainte «du licenciement abusif de MM. Atil et Farah». En effet, dans une correspondance datée du 22 juillet, dont nous détenons une copie, Abdemadjid Sidi Saïd, patron de l'UGTA, avait sollicité «l'intervention du ministre de l'Industrie et des Mines à l'effet du respect de la législation sociale par l'employeur». Ampta, seule et unique usine algérienne à fabriquer les tubes destinés à l'industrie pétrolière et gazière, fonctionne avec des capacités annuelles de l'ordre de 30 000 tonnes. L'Ampta arrive, tant bien que mal, à grignoter des parts de marché face à une demande se chiffrant actuellement à 0,8 million de tonnes. Essentiellement importés, les besoins de l'industrie pétrolière en tubes sans soudure sont appelés à s'accroître notablement. A terme, ils devraient franchir le seuil de 1,2 Mt, soit un taux de croissance de l'ordre de 3% par an en moyenne.