Les offres de location d'appartements, de niveaux de villas, de garages et même de terrasses ne se comptent plus. Les sites internet de location et les agences immobilières travaillent à plein régime les mois précédant la saison estivale. Destination privilégiée des touristes, Jijel ne dispose que d'une vingtaine d'hôtels, dont sept sont fermés sur décision administrative . Ce manque d'infrastructures est comblé par les offres proposées par des particuliers. Les Jijeliens laissent leurs habitations aux visiteurs étrangers durant toute la saison. «Les gens du cru préfèrent quitter leurs maisons qu'ils louent à des étrangers qui deviennent parfois d'indécrottables habitués de la région. Durant les mois de juillet et août, les Jijeliens quittent la côte et s'installent dans leurs résidences sur les hauteurs. Et ce n'est qu'en septembre qu'ils reprennent possession des lieux. Les plages sont alors remplies par eux et eux seuls», signale Lyes M., quadragénaire de Bab Ezzouar (Alger), qui a pris l'habitude de prendre ses quartiers d'été chez ses amis à El Aouana. Les nombreux visiteurs de Jijel prennent possession de toute la longue corniche façonnée par Dame Nature. Des tentes, des bennes de camions, des calèches, des véhicules, tout est bon pour passer de bons moments sur les plages de la côte. Jijel reçoit des milliers de visiteurs qui viennent d'au moins une dizaine de wilayas limitrophes, mais de plus loin aussi : Sétif, Alger, Blida, Batna, El Oued, Tébessa, Tissemsilt, Aïn Defla... Rien ne peut les dissuader, même pas la cherté des loyers. Pieds dans l'eau, les maisons situées sur la proche côte sont louées à plus de 12 000 DA la nuit. Ailleurs, les F4 sont cédés entre 10 000 et 12 000, tandis que les F1 avec WC sont à plus de 3000 DA. «Des gens au pouvoir d'achat plus important viennent quelques semaines plus tôt. J'ai eu de riches voisins de Oued Souf qui ont passé tout le Ramadhan ici», signale Nassim T., résident de Sidi Moussa (Alger), mais originaire par son paternel de l'Est de Jijel, où il a campé dans la très prisée plage des Aftis, où le moindre empan est encombré par des tentes, des parasols de toutes les couleurs, des chaises en plastique et, malheureusement, les inévitables amas d'ordures ! A défaut d'une location abordable ou d'une offre hôtelière intéressante, la wilaya ne disposant que d'une dizaine d'établissements, les touristes désargentés se débrouillent comme ils le peuvent. Toute cette côte qui s'étend de la wilaya voisine de Béjaïa est occupée par des dizaines de «touristes» qui dorment le cœur léger sur des trottoirs, à côté de leurs véhicules ou dans des bennes de camions désossés ! Un drap et un oreiller usé suffisent pour passer «tranquillos » la nuit après une journée fatigante. Une benne comme loge ! «La location est chère. Tout ce beau monde n'a pas un toit sur la tête le soir. Nos compatriotes du Sud préfèrent, eux, louer des garages et dormir sur des nattes», signale tout sourire le gérant d'une boutique aux Aftis. Mais même avec un pied-à-terre, les estivants ne disposent pas de toutes les commodités. Il y a surtout le récurrent problème des coupures d'électricité et d'AEP, l'insalubrité, la défaillance des transports, etc. «Les coupures d'électricité ne se comptent plus. L'eau est rare. Pour se déplacer d'un point à un autre, c'est le calvaire. L'estivant doit être véhiculé, sinon il est contraint de se faire escroquer par le premier clando venu. Il faut débourser jusqu'à 1200 DA/jour pour aller à la mer. Les plages sont squattées aussi. Les concessionnaires font la loi : l'accès à la plage est à 100 DA, le kit parasol avec 4 chaises à 1200 DA. C'est le cas dans presque toutes les plages. Même les prix de la nourriture ont augmenté à cause des habitudes consuméristes de certains visiteurs», résume Nassim l'Algérois, qui préfère planter son parasol sur la plage au sable fin du Grand Phare. A qui profite toute cette activité touristique de masse dans une wilaya qui reçoit plus de 8 millions de touristes durant l'été (statistique de 2014) ? «Ce tourisme profite aux particuliers et aux commerçants locaux, et non pas aux professionnels du secteur», regrette Noureddine Mansour, directeur du tourisme. Pourquoi ? «Il n'y a pas d'agence qui dispose d'un produit et qui le met sur le marché. Aujourd'hui, c'est soit une stricte relation client-hôtel, ou client-habitant pour la location», précise le directeur. La situation vécue par la région durant les années noires où les groupes terroristes de l'AIS «prenaient possession de territoires entiers de la République», a dissuadé les investisseurs publics ou privés de lancer des projets hôteliers ou autres et a ainsi retardé l'essor de l'activité d'une région au potentiel touristique immense. Mais maintenant que la paix est revenue, la situation du tourisme n'a guère changé et ne risque pas de l'être les prochaines années. Les infrastructures sont presque inexistantes, les projets insignifiants et les prestations trop chères dans des établissements où le service est médiocre. Nouvelle donne : les concessionnaires automobiles ont changé la physionomie de la région, surtout dans les localités côtières, où des terres agricoles en friche sont cédées pour l'entreposage des véhicules qui sortent du port de Djendjen. Tourisme de masse oblige, les estivants souffrent de beaucoup de désagréments, mais ils quittent Jijel avec quelques satisfactions : les gens sont accueillants, il y a un décor à couper le souffle, bien que salis par l'anarchie architectonique. La côte jijelienne plaît : celui qui y séjourne caresse le rêve d'y retourner…