Dans une ambiance de sérénité totale, loin du tumulte, de l'agitation urbaine des grandes villes, la paisible localité de Kenadsa (16 000 habitants), qui abrite la zaouïa Ezziania, sort progressivement de sa torpeur dans laquelle elle était jusqu ici confinée grâce à sa bibliothèque Khizana située au cœur même de la confrérie de Sidi M'hamed Ben Bouziane, son fondateur. L'ancienne cité minière connue autrefois pour sa luxuriante palmeraie et l'exploitation de ses gisements de charbon est tombée, depuis l'arrêt définitif de son industrie minière au lendemain de l'indépendance, dans l'oubli, le marasme et surtout le déclin spirituel et l'autorité morale de sa zaouïa. Mais la suspension de ses activités minières a eu pour conséquence un mouvement migratoire d'une grande partie de ses habitants vers le chef-lieu de wilaya, Béchar. Les nombreux inconvénients majeurs de la petite oasis ne s'arrêtent pas là. Ils ont aussi accentué son isolement au vu de sa position géographique enclavée débouchant sur un cul-de-sac. Néanmoins, la volonté d'une poignée de gens, professeurs de lycée et universitaires animés par une soif inextinguible du savoir ont pris l'initiative, il y a quelques années, de ressusciter le riche patrimoine culturel et spirituel de la cité à travers la fondation de la Khizana en organisant des cycles de conférences à l'intention d'un public toujours nombreux venu de la commune voisine de Béchar et parfois d'autres localités dans le but de renouer avec le fil rompu du savoir et de la connaissance. D ailleurs, ce n'est pas un hasard si des visiteurs officiels et non officiels à l'occasion de leurs déplacements dans la région effectuent un rapide détour sur le lieu considéré désormais comme un espace de diffusion des manifestations culturelles. Ces visiteurs en repartent émerveillés, comme le soulignent des témoignages. De cet émerveillement, on peut citer entre autres des communications scientifiques de haut niveau portant sur divers sujets de société dispensés à titre bénévole par des professeurs universitaires en activité et intellectuels retraités face à un parterre de citoyens invités à leur tour à se mêler aux débats et échanges d'idées dans une ambiance chaleureuse marquée par la convivialité, la tolérance et l'ouverture d'esprit. Préservation de 300 anciens manuscrits Mais, incontestablement, le mérite, il faut le souligner, de la création de cette fondation culturelle, revient au professeur Tahiri Mébarek, gérant de la Khizana et qui veille scrupuleusement à la préservation d'au moins 300 manuscrits anciens et d'une grande richesse historique. Certains de ces documents ont subi des altérations par le temps, d'autres sont encore en bon état de conservation. Ces manuscrits se rapportent à la science religieuse, à la poésie, à la philosophie et plusieurs échanges de correspondances entre descendants des cheikhs de la zaouïa qui se sont succédé à la tête de la confrérie Ezziania. A côté de ce trésor inestimable, on peut également voir sur les murs en pisé de la Khizana tapissés de portraits d'oulémas et personnalités qui ont vécu dans la zaouïa. De cette panoplie de portraits, ne sont pas oubliés aussi ceux de triste mémoire, les premiers envahisseurs soldats gradés de l'armée coloniale française qui avaient conduit l'invasion de la région au début de la prise de la ville de Béchar (appelée Colomb Béchar à l'époque) en 1903, invasion effectuée par Taghit au Sud.