Les stands mis en place par les organisateurs livrent au regard des visiteurs une véritable image multiculturelle qui constitue la richesse d'un patrimoine jalousement préservé. Les lieux sont, en effet, ornés de tapis des différentes localités de Kabylie, mais aussi des autres wilayas du pays, histoire d'étaler des œuvres riches en symboles et motifs qui retracent généralement le substrat social, culturel et historique de chaque région. Des jeunes filles, des femmes et des vieilles tisseuses expliquent au public la constitution et la manière de réaliser des tapis conçus avec un savoir-faire fascinant. «C'est le génie féminin. Chez nous, cet art ancien n'a jamais cessé de s'enrichir grâce à l'influence d'autres cultures. Le travail de ces femmes reflète un raffinement de la forme et du style qui mêle l'art et la vie quotidienne dans un cadre authentique», laisse entendre un père de famille qui sillonnait les stands. C'est un métier très passionnant pour les femmes. Il se transmet de génération à génération», nous explique une organisatrice qui ajoute, pour s'étaler un peu dans la technique de conception d'un tapis, que «chaque motif a sa forme et sa couleur. Les tapis sont brossés de figures géométriques symétriques, agencées et exécutées à la main avec du fil. La préparation du fil est aussi effectuée de façon ininterrompue. Plusieurs femmes peuvent se relayer pour faire ce travail long et fatigant. Mais, ce sera un moment fort pour les tisseuses quand le tapis est terminé et enlevé du métier. Il ne reste plus qu'une poignée de femmes qui tissent encore la laine avec ces gestes d'une incroyable précision pour créer un ensemble parfaitement symétrique, tout en harmonie», nous raconte-elle tout en précisant que cet héritage ancestral a beaucoup de valeur. Une autre exposante préfère aborder le volet économique de ses produits. «Le tapis ne se vend plus comme avant, seules les mariées l'achètent. Cela, sans parler de la cherté de la matière première, notamment de la laine qui s'est répercutée sur les prix. Il faut valoriser l'art du tissage», a-t-elle souhaité. D'autres femmes estiment aussi que «le tapis est plus qu'une marchandise et un gagne-pain, mais il revêt aussi une valeur artistique. Les motifs décoratifs mis en valeur à travers chaque tapis constituent une véritable œuvre d'art symbolisant l'expression identitaire». Les exposantes auront ainsi à montrer, une semaine durant, leur savoir-faire acquis grâce au legs des anciennes, à l'image de Nna Taous Ath Abdeslam qui était la doyenne des tisseuses du tapis berbère d'Ath Hicham, et ce, avant son décès, en 2008, à l'âge de 103 ans. Elle avait consacré toute sa vie à la formation de tapissières à l'école de tissage de la localité, créée en 1892. D'autres jeunes femmes de la région prennent le relais pour justement continuer à maintenir ce métier comme des gardiennes d'une tradition et d'une histoire. Aujourd'hui, on constate un engouement pour la tapisserie berbère, notamment dans les villages. D'ailleurs, une annexe de l'enseignement et la formation professionnelle spécialisée en tissage traditionnel sera ouverte dès la prochaine rentrée à Ath Hichem, dans la commune d'Aït Yahia, daïra de Aïn El Hammam, à 50 kilomètres au sud-est de Tizi Ouzou. D'autre part, le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, a, pour rappel, déclaré que cette manifestation sera «dotée d'un cachet national à partir de l'année prochaine. Et ce, dans la perspective d'une participation plus large et représentative de tout le pays. La dimension nationale de cet événement contribuera aussi au développement du métier en question», a-t-il indiqué avant de procéder à l'ouverture officielle de ce rendez-vous qui vise la pérennité du métier à tisser et la mise en valeur du savoir-faire des vieilles tapissières et jeunes artisans. Une soixantaine d'artisans venus des différentes localités de la région, ainsi que de plusieurs wilayas du pays et spécialisés dans les tissages berbères, dans la vannerie, bijouterie, broderie, prennent part à ce festival placé sous le signe «Promotion et développement du tissage».