Depuis quelque temps, nombreux sont les dirigeants politiques, économistes, sociologues et politologues à mettre en garde contre les effets dangereux et pervers de la crise économique qui se profile. Les appels à la discipline budgétaire, à la mobilisation générale et au don de soi se multiplient et fusent de toutes parts pour faire admettre que l'heure est venue d'adapter son train de vie à des capacités sérieusement réduites et de mettre un terme à des habitudes de dépense et de consommation adoptées pendant les longues années où le baril du pétrole ne cessait de grimper. Pour éviter le recours à des solutions radicales et à la prise de décisions majeures qu'impose toute situation difficile pour lesquelles il pourrait être contraint d'opter, avec tout ce que cela suppose comme «réponses» sociales, le gouvernement semble s'être enfin rendu compte des résultats illusoires et dangereux de ses choix politiques conjoncturels et des limites des solutions de replâtrage, décidant de s'appuyer sur les collectivités locales. A leur tour, celles-ci, pour ne pas subir tous les bouleversements actuels et futurs venant d'en-haut, devront faire preuve de davantage de courage et d'audace. L'innovation et la créativité sont incontournables pour amortir l'impact de la contraction de leurs marges de manœuvre financières. Le mot d'ordre est donc d'aller vers un développement local réfléchi, durable et rationnel, en vue de parvenir à redresser l'économie locale sur de solides bases et où l'élément prégnant doit être la transparence et performance.«Les administrations locales vont devoir faire face à une période qui s'ouvre, de plus en plus contraignante, du fait de la raréfaction des fonds publics. L'utilisation souvent irrationnelle des deniers publics, l'absence de transparence dans la gestion des finances publiques, la multiplication des actes de corruption et de détournement de deniers publics doivent être soulignés et ne peuvent plus être tolérés dans un contexte de crise financière provoqué par la chute des cours du pétrole», insiste Messaoud Mentri, professeur et maître de recherche à la faculté de droit de l'université Badji Mokhtar de Annaba. C'est sur cela justement que l'accent sera mis, lors de la conférence internationale sur «La gestion administrative et financière des collectivités locales» qui se tiendra incessamment à Annaba. Devraient y échanger autour de plusieurs problématiques, spécifiques à leur pays respectifs, des économistes, juristes, politologues et sociologues d'universités tunisiennes, marocaines, algériennes et européennes. Une dizaine de thèmes en rapport avec la gouvernance des collectivités et administrations territoriales seront débattus, à l'image de «Multipartisme et gestion des collectivités locales», «Prévention et lutte contre la corruption», «Promotion de la transparence dans la gestion des finances publiques», «Réduction des dépenses budgétaires par les politiques de privatisation» ou encore «Réforme fiscale et décentralisation». Pour les participants des deux rives de la Méditerranée, ce regroupement scientifique euro-maghrébin, initié par la faculté de droit de Annaba, en collaboration avec le laboratoire d'études juridiques maghrébines et l'appui de la fondation politique allemande Hanns-Seidel-Maghreb, sera l'occasion d'étudier la voie à emprunter par chacun des pays de la région aux fins d'aboutir à une meilleure répartition des compétences et à un transfert efficace des pouvoirs entre l'Etat et les collectivités locales en période difficile. L'objectif, pour les organisateurs, étant de «dépasser les approches disciplinaires pour aborder l'ensemble des enjeux liés à la gestion des collectivités et mettre en synergie les approches juridiques, techniques, financières et politiques» sans, pour autant, occulter les principes fondamentaux du fonctionnement des collectivités, leurs compétences et leurs rapports avec les services déconcentrés de l'Etat. «La gestion des collectivités locales souffre des lenteurs bureaucratiques, des insuffisances dans l'application des textes de loi et règlements par les organes locaux, des contrôles trop lourds étouffant toute initiative des autorités administratives. Il a été également constaté que la décentralisation et la déconcentration n'évoluent que très lentement. Beaucoup reste à faire en termes de transfert des pouvoirs aux organes décentralisés et déconcentrés», relève le Pr Mentri, président du comité scientifique de la rencontre. Pour lui, la gestion des collectivités locales s'adresse aussi bien aux élus locaux qu'à tous les professionnels de l'action collective locale et aux représentants de la société civile, qui est fortement concernée. «Il est incontestable que cette crise qui affectera sérieusement l'économie du pays aura, outre ses retombées culturelles et politiques, des effets sociaux dans la mesure où elle ne manquera pas d'accroître davantage le fléau du chômage qui, à son tour, favorisera l'émergence de problèmes sociaux tels que la petite et grande délinquance et la violence sous toutes ses formes», a souligné l'universitaire. D'où le thème «La participation du mouvement associatif à la gestion des affaires locales» qui sera au cœur des débats lors de la rencontre. La gestion des collectivités territoriales, toujours selon Pr Mentri, a, par ailleurs, besoin d'être modernisée et alignée sur les standards internationaux. L'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication est susceptible d'humaniser les relations entre l'administration et le citoyen et de promouvoir l'investissement local, seul en mesure de rendre compétitive et créatrice d'emplois et de richesses l'économie locale, estime-t-il. «Gouvernance et utilisation des TIC» sera le thème consacré à cette question «cruciale et déterminante» aux yeux du Pr Mentri.