Le livre La bataille d'Einaudi, aux éditions Le Passager clandestin, est l'événement, cette année, de la commémoration de la répression des manifestants algériens. Ecrit par Fabrice Riceputi, il porte en sous-titre : Comment la mémoire du 17 octobre 1961 revint à la République. Le livre est préfacé par le professeur Gilles Manceron. Le 17 Octobre 1961 a fait l'objet d'une amnésie voulue par diverses sphères de l'autorité publique, un oubli que Jean-Luc Einaudi a dû vaincre dans un combat qui l'a conduit à trouver les éléments nécessaires à l'écriture des terribles faits, et répondre parfois devant la justice. Au fil d'un récit documenté, Fabrice Riceputi retrace les trois décennies de l'action de Jean-Luc Einaudi (décédé en 2014) pour la reconnaissance politique d'un crime colonial d'Etat. Il publie La bataille de Paris. 17 octobre 1961, en 1991. Six ans plus tard, cet ouvrage l'amène à la barre pour témoigner de la responsabilité de Maurice Papon, préfet de police de Paris à l'époque des faits. Un procès à double détente, car si Papon attaque ensuite Einaudi pour diffamation, ce moment judiciaire aboutit au surgissement d'un début de vraie recherche de la vérité historique. Le livre de Riceputi conte aussi le revers de la médaille, à savoir le blocage de l'appareil d'Etat dans la levée des secrets contenus dans les archives, et la lente et difficile apparition du 17 Octobre 1961 dans les manuels scolaires… L'auteur en jauge une des raisons fondamentales : «La construction et l'exploitation de l'empire colonial ainsi que les répressions sanglantes des revendications de justice et d'indépendance des colonisés ont été faites au nom du peuple français. Un examen critique de ce passé obligerait à regarder d'un autre œil l'histoire de la société et de la République françaises elles-mêmes, dont le colonialisme fut non pas un à-côté, mais, depuis le XIXe siècle, un des fondements politiques...» «Rappelons également ici que nous vivons aujourd'hui encore sous une Ve République qui fut conçue ‘‘dans et par la guerre coloniale'', comme instrument politique de conservation de l'Algérie française.» D'où, dans ce contexte, l'incapacité de la société française à regarder en face son engagement colonial et surtout le traumatisme jamais digéré de la décolonisation alors que les populations des ex-colonies restent très présentes sur le sol français.